Select Page

La Tribune

– le 9 décembre 2022
Novembre 2022 : La BCE publie les résultats des stress tests climatiques réalisés par 186 banques, réparties dans 21 pays, sur le premier semestre 2022. Et les résultats sont sans appel : les banques ne sont pas suffisamment prêtes et l’intégration des risques liés au changement climatique est encore trop lente ou fragile. 
Face à ces manquements et à l’urgence climatique, les régulateurs européens et la scène internationale durcissent le ton et accélèrent le calendrier pour l’intégration de ces risques climatiques et environnementaux (C&E). Autant de nouveaux défis qu’il ne suffit plus de relever mais de réussir.

Après les constats, les actions

Par un processus initié en 2020 par l’ACPR en France et réitéré par la BCE en 2022, les instances de régulation ont proposé de tester la résilience des banques face au changement climatique à travers des tests de résistance (ou stress tests). Ces premiers tests, sur la base du volontariat et à vocation pédagogique, ont finalement concerné 41 établissements. L’objectif était alors d’apprécier le niveau de maturité des institutions bancaires dans leurs dispositifs autour des risques climatiques et environnementaux, notamment à travers différents axes d’analyses : matérialité, stratégie et gouvernance du risque.

Verdict : 60% des banques n’ont pas de dispositif adéquat de gestion des risques liés au réchauffement climatique, alors même que cet exercice a été réalisé dans des conditions simplifiées. Ces constats sont d’autant plus alarmants que le changement climatique pourrait faire perdre jusqu’à 70 milliards d’euros (en cumulé pour les 41 banques) dans un scénario climatique adverse.

A la suite de cette revue, la BCE a adressé à chaque établissement une lettre spécifique, reprenant et présentant les différents manquements à la méthodologie publiée en 2020. Afin d’y pallier, un calendrier strict a été établi, à la fois individuel et collectif. A ce titre, toutes les banques sont amenées à tenir leurs engagements en trois étapes principales, déclinées individuellement en fonction des résultats présentés au régulateur. La première, attendue pour Mars 2023, consiste à cartographier, classifier et évaluer sur le portefeuille client les risques C&E. La seconde étape, prévue pour fin 2023, fait écho aux conclusions du rapport croisé ACPR / AMF : les banques doivent inclure les risques C&E dans leur gouvernance et leur stratégie. Elles doivent également adopter une démarche proactive vis-à-vis de leurs clients : l’objectif est d’aller au-delà d’une gestion par les risques en incitant les banques à contribuer activement au financement de la transition bas carbone. Enfin, fin 2024, les institutions bancaires devront répondre à toutes les autres attentes en matière de surveillance des risques C&E définies dans les guidelines publiées en 2020, notamment l’intégration complète dans le processus d’évaluation interne de l’adéquation des fonds propres (ICAAP) et les tests de résistance.

Les banques sont-elles suffisamment armées pour répondre rapidement à ces nouvelles exigences ?

Les différents exercices sur lesquels ont dû se pencher les banques, ces dernières années, ont été réalisés sur un mode d’apprentissage itératif. Les premières lignes directrices fournissaient à cet effet les grandes orientations de ce qui était attendu, sans pour autant spécifier et préciser la déclinaison opérationnelle. Ainsi, et afin de combler ces lacunes, la BCE a complété son guide méthodologique par un recueil de bonnes pratiques. Ce rapport va même au-delà puisqu’il synthétise également les pratiques observées en matière de définition de la stratégie, de gouvernance, d’appétence au risque et de gestion des risques.

Ce partage de bonnes pratiques permet également de faire le bilan global et d’identifier les zones sombres. Les talons d’Achille ? Les données relatives aux risques C&E et la biodiversité.

En effet, sur ce premier point, la prise en compte des risques climatiques dans le pilotage de l’activité nécessite d’intégrer de nouvelles données dans les systèmes d’information. Bien que le marché de la donnée ESG soit florissant, il subsiste encore des lacunes en termes de disponibilité, de fiabilité et de comparabilité et donc de choix quant à la donnée à utiliser. Néanmoins, la Banque de France encourage vivement les institutions à s’appuyer sur les outils existants et disponibles pour agir dès à présent.

S’agissant de la biodiversité, le sujet de la donnée est encore plus critique : des données trop spécifiques voire inaccessibles, des indicateurs qui manquent de transparence dans la méthodologie employée et balbutiante qui met un frein à son intégration. Néanmoins, un partenariat international de banques, de gestionnaires d’actifs et d’investisseurs, le Partnership for Biodiversity Accounting Financials (PBAF), travaille sur ces questions depuis 2019 et construit de nouvelles normes afin que les institutions financières puissent mesurer l’impact des prêts et des investissements sur la biodiversité.

Malheureusement, ce ne sont pas les seules difficultés que peuvent rencontrer les banques et de nombreuses questions subsistent sur les méthodologies à développer, ou la prise en compte d’horizon long terme…

Quels enjeux pèsent sur les banques ?

C’est dans ce contexte ambivalent (entre pression réglementaire et insuffisances méthodologiques) que les banques doivent faire face à de nouveaux enjeux de taille : répondre aux exigences, se prémunir du risque et anticiper l’avenir.

Sur ce premier volet, et comme le souligne François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, les banques ne sont plus encouragées à réaliser ces travaux mais ont l’obligation de publier les informations relatives à la durabilité. C’est également dans cette optique que les récentes injonctions de la BCE sont édictées : si ces engagements ne sont pas respectés (c’est-à-dire si les risques climatiques ne sont pas pleinement intégrés dans leur activité), alors les banques s’exposent à des mesures contraignantes.

Ces mesures contraignantes font échos au deuxième enjeu des institutions bancaires : inclure les risques relatifs aux changements climatiques dans leurs fonds propres. Ce risque a également été souligné dans le package CRR3/CRD6, notamment dans le cadre de l’article 133.

Enfin, le dernier point auquel les institutions doivent se préparer dès à présent : l’évolution des normes — européennes pour le moment — vers des normes internationales. Arrêtée lors de la COP26 en 2021, l’objectif de ces standards est d’assurer la convergence et la cohérence entre les différents acteurs (investisseurs, entreprises…) à un niveau mondial. A cet effet, l’IFRS Foundation a annoncé dès début Novembre 2021 la création de l’ISSB afin de répondre à cette volonté d’uniformisation.

Les exercices des années précédentes ont été l’occasion de faire un état des lieux sur les capacités des banques à intégrer le risque climatique dans le pilotage de leur activité. Face aux insuffisances relevées, les régulateurs ont pris le contrecoup en accélérant les réglementations et en renforçant leurs exigences. Les banques ont un rendez-vous à ne pas manquer avec les régulateurs et, faute d’efforts, elles ne sauraient être au niveau des enjeux climatiques qui les attendent.

Sarah Daymier, Project Manager Square Management.

AUTRES ACTUALITÉS EN ENTREPRISES ET FINANCE DURABLES

Share This