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Le Courrier Financier

– le 29 Septembre 2023

Si le secteur du luxe conserve ses marges en dépit de l’inflation, nous observons d’importantes disparités de croissance. Quelles perspectives pour les investisseurs ? Pourquoi et comment s’intéresser à ce secteur ? Le point avec Thomas Guillet, consultant senior au sein du cabinet Square Management.
Les publications semestrielles de l’été 2023 ont été globalement supérieures aux attentes pour les sociétés européennes et américaines et ont confirmé la bonne tenue de leurs économies dans un contexte inflationniste. Pour ne considérer que le secteur du luxe, si les marges restent confortables, d’importantes disparités apparaissent déjà en termes de croissance des résultats opérationnels : Hermès (+28 %), LVMH (+13 %), Kering (–3 %), Ferrari (+32 %), Porsche (+11 %), CatanaGroup (+7 %), Beneteau (+5%), etc.

Une affaire de stratégie commerciale

Pour ce qui est des perspectives pour la fin d’année 2023 et l’année 2024, les anticipations changent du tout au tout entre les dirigeants des groupes de luxe et d’ultra luxe. D’un côté, le directeur financier de LVMH Jean-Jacques Guiony annonçait fin juillet s’attendre à un ralentissement de la demande sur le marché américain, de l’autre Axel Dumas, dirigeant d’Hermès annonçait au même moment vendre l’intégralité de sa production et n’attendre aucun ralentissement de ses ventes.

Pourquoi ? Parce que ces deux entreprises n’ont pas adopté la même stratégie commerciale : si LVMH cible une clientèle haut de gamme, Hermès vise quant à elle une clientèle suffisamment fortunée pour être peu regardante sur les prix, quel que soit le contexte économique. La seconde peut répercuter l’intégralité de la hausse de ses coûts de production sur ses prix de vente alors que la première doit contrôler ses prix.

Le pricing-power contre l’inflation

Disposer d’un tel pricing power n’est pas propre à la maroquinerie, CatanaGroup — qui fabrique des catamarans pour les particuliers — n’a pas annoncé les choses différemment d’Hermès. Dès début 2023, la groupe a indiqué que son résultat ne serait absolument pas impacté par l’inflation de ses coûts de production. Cela se fait-il au détriment de sa croissance ? Absolument pas.

Le groupe annonce que ce qui limite aujourd’hui les ventes est que ses sous-traitants n’arrivent pas à suivre la hausse de la demande. Cette limitation des livraisons peut également être volontaire, comme dans le cas de Ferrari où malgré une stagnation des volumes de vente (+3,7 % entre les premiers semestres 2022 et 2023) la société se paie le luxe d’une augmentation de son chiffre d’affaires de 17 % et de ses profits de 29 %.

Avec un prix de vente moyen par véhicule en hausse de 15 % entre les premiers semestres 2022 et 2023, la société a même abaissé la part du coût de construction de ses voitures de 52,6 % à 49,2 % du prix de vente. Ferrari n’a donc pas pâti de cette période d’inflation, bien au contraire.

Quels relais de croissance pour le luxe ?

La question que se posera tout investisseur est alors la suivante : ce pricing power est-il amené à se maintenir, dans quelles conditions de croissance et combien se paie-t-il ? Répondre précisément est évidemment impossible en l’état, mais nous pouvons toutefois donner quelques éléments de réponses.

Sur le maintien du pricing power la réponse semble être oui. Nul doute que le monde de demain comportera toujours des clients très fortunés et que l’attrait de marques comme Ferrari ou Hermès perdurera. Pour ce qui est des conditions de croissance, une analyse de la stratégie de l’entreprise est nécessaire.

Peu nombreuses sont les entreprises qui se limitent à de très faibles volumes de ventes et les marges actuellement très élevées (près de 22 % de marge nette pour Ferrari, un plus haut historique) nous semblent peu propices à évoluer significativement. Le relais de croissance semble passer par une hausse des volumes.

Perspectives d’avenir pour investir

L’estimation du PER, enfin, est plus aisée. Sur la base des revenus 2023 Ferrari se paie — à la mi août 43 fois les bénéfices, Hermès 50 fois et CatanaGroup 10 fois. Si cette différence est sectorielle, elle s’explique également par la visibilité de la marque et une couverture différente de la société par les analystes.

Mais cet écart de ratios de valorisation semble être peu tenable et ce, d’autant plus que les perspectives sectorielles des bateaux de plaisance sont bien plus encouragées par l’air du temps que celles des voitures de sports ultra polluantes. L’investisseur, particulier ou professionnel, aurait donc tout intérêt à se pencher sur ces secteurs encore peu suivis et offrant de formidables perspectives d’avenir.

Par Thomas GUILLET, Consultant Senior chez Square Management.

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