Le Courrier Financier
– 29 juin 2022
Le PSC, la « base » budgétaire
Le PSC définit des seuils pour le déficit des administrations publiques (le déficit budgétaire ne doit pas dépasser 3%) et la dette publique brute (inférieure ou égale à 60 % du PIB). Ainsi regroupées, les règles budgétaires du PSC n’ont plus à être strictement respectées par les gouvernements en période de crise économique, et ce depuis 2020. Une “clause dérogatoire générale” introduit plus de flexibilité quant aux chocs économiques graves et écarte encore actuellement le PSC afin de pérenniser l’activité économique face à la crise de la Covid-19.
En conséquence, l’année dernière, seuls trois pays de l’Union européenne (UE) — le Luxembourg, la Suède et le Danemark — respectaient les règles du PSC en matière de dette et de déficit. Alors même qu’en début d’année, le 17 janvier 2022, le chancelier allemand, Martin Scholz, a déclaré que le pacte de stabilité et de croissance devrait rester la « base » budgétaire entre les pays de l’UE. Propos auxquels le ministre autrichien des Finances a répondu en affirmant avoir de grands espoirs en l’Allemagne pour soutenir les pays endettés et favoriser un retour rapide aux normes budgétaires strictes.
A ce titre, le programme de relance de l’UE, NextGenerationEU, a été mis en place en vue de soutenir la croissance économique. Toutefois, l’invasion de l’Ukraine par la Russie bouscule ces ambitions budgétaires.
La « règle d’or » verte
A l’échelle européenne, le programme de relance REACT-EU accorde aux Etats 3,5 milliards supplémentaires aux presque 17 milliards disponibles pour l’accueil des réfugiés, et ce en parallèle de la création d’un fond au sein de l’UE pour fournir 1,5 milliard d’euros d’armement. A l’échelle des Etats, la France projette 40,9 milliards d’euros pour le budget de la défense en 2022, correspondant à une hausse de 1,7 milliard par rapport à l’année précédente.
En comparaison, l’Allemagne engage 100 milliards d’euros pour les dépenses de défense sur le budget 2022 contre 50,8 milliards d’euros en 2020 de manière à atteindre la part des 2% du PIB, minimum convenu depuis 2006 dans les budgets des États membres de l’OTAN. Les pays de l’UE sont amenés à augmenter massivement leurs dépenses afin de répondre à l’urgence d’un ordre géopolitique bouleversé aux portes de l’Europe.
Mais, n’oublions pas les ambitions de neutralité carbone d’ici 2050, passant par une réduction d’au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre pour 2030. Pour réformer les lois budgétaires, deux stratégies se dessinent.
La première est la « règle d’or » verte, soutenue par Emmanuel Macron et Mario Draghi, Premier ministre italien, dans le Financial Times en décembre 2021. Elle consiste à « favoriser par les règles budgétaires » les investissements prioritaires. Néanmoins, le Gouvernement allemand se dit « très sceptique » quant à la capacité des pays de l’UE à satisfaire les contraintes budgétaires tout en permettant une plus grande flexibilité dans les investissements verts.
L’autre stratégie pour respecter ces engagements repose sur la constitution d’un fonds d’investissement, que la situation géopolitique a accéléré, pour faire face aux défis énergétiques posés par l’invasion russe de l’Ukraine. La Commission européenne a proposé, le 8 mars 2022, une ébauche de plan (REPowerEU) pour rendre l’Europe indépendante des énergies fossiles russes avant 2030, en commençant par le gaz.
Ce plan consiste à réduire les points faibles du système énergétique et à diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz via une augmentation des importations de gaz naturel liquéfié et de pipelines, stimuler la production de biométhane et d’hydrogène, accélérer le déploiement de l’énergie renouvelable, des installations de stockage et des capacités portuaires.
« Le non-respect est devenu la norme »
Dans ce contexte, la Commission européenne relance en 2021 la révision du cadre de gouvernance économique de l’UE dans le but de parvenir à un large consensus sur la voie à suivre à l’horizon 2023. Cependant, le Ministre néerlandais des Finances a mis en garde sur l’assouplissement des lois budgétaires pour favoriser l’investissement dans la défense et d’autres investissements stratégiques. Il affirme que le bloc de l’UE devrait garder un œil sur la viabilité de la dette, quand bien même nous sommes confrontés aux défis économiques posés par la guerre en Ukraine.
Le PSC consiste en des dispositions très spécifiques sur la manière de mener l’élaboration de la politique budgétaire en période prospère et des dispositions strictes en cas de ralentissement économique. Le cadre budgétaire européen actuel semble limiter l’investissement, et par conséquent le potentiel de croissance. Les règles budgétaires n’ont sans doute pas été à la hauteur des crises majeures, selon Conseil d’Analyse Économique Français “le non-respect est devenu la norme”.
Il est illusoire d’envisager le rétablissement du système budgétaire strict du PSC dès la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine contenues. La nouvelle donne qu’impose la situation géopolitique amène à modifier durablement les règles du PSC, ainsi les institutions de l’UE mettent à profit la période actuelle pour repenser le cadre budgétaire.
Toutefois, il est difficile de voir émerger un consensus au sein des Chefs de gouvernement et seules leurs volontés détermineront des réformes pour porter les investissements massifs garantissant la souveraineté de l’Union européenne dans des secteurs déterminant comme l’énergie, les infrastructures, les installations de stockage, les capacités portuaires et la défense.
Par Antoine Fichot, Consultant Square Management.