Economie Matin
Face à ces faits, la règlementation existante semble incomplète et le dispositif de mise en application des règles parait hasardeux et non efficient. Ainsi, certaines administrations peinent à mettre en place un processus de contrôle efficace, et le défaut de coordination mondiale pour assurer cette lutte se fait de plus en plus ressentir laissant aggraver des pratiques fiscales illicites. Avons-nous vraiment tiré des leçons des scandales de ces dernières années ? Sommes-nous prêts à éradiquer ces pratiques ?
Un déficit budgétaire engendré par l’évasion fiscale, véritable manne perdue
In fine, selon la méthodologie d’approche choisie, l’évasion fiscale pourrait coûter en moyenne 200 milliards à l’échelle mondiale soit 7% du PIB de la France. En raison du caractère opaque de ses actions, l’évasion fiscale est difficile à évaluer, cependant, le montant colossal nécessite que les pays impactés se donnent les moyens pour renforcer leur vigilance afin d’endiguer ce déficit.
Des mesures et directives majeures prises au fil des scandales d’évasion fiscale non suffisantes
D’autres séries de mesures plus récentes et ambitieuses ont émergé afin d’enrichir la stratégie de l’Union Européenne (UE) contre l’évasion fiscale, comme l’accord fiscal de l’OCDE garantissant l’application d’un taux d’imposition de 15% minimum sur les multinationales à compter de 2023 ; ou la nouvelle loi (n° 2022–401) du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte. Mais, malgré tout, cet ensemble de mesures et directives sont bien insuffisantes pour porter réellement leurs fruits. La nécessité de nouvelles normes incitant une coopération internationale est nécessaire.
L’éradication de l’évasion fiscale, une utopie ou une réalité ?
Par ailleurs, pour éviter que certaines multinationales usent de la disparité entre les taux d’imposition des pays, l’établissement d’un taux d’imposition minimum sur les multinationales à l’échelle mondiale est le bienvenu. Cette mesure certes ambitieuse, nous laisse entrevoir certaines failles dans la mesure où elle peut être contournée par le biais des pays non-signataires.
Pour finir, l’histoire a montré que les grands scandales d’évasion fiscale, ont été révélés par des lanceurs d’alerte. Leur protection devient un enjeu capital dans la lutte contre l’évasion fiscale. Ainsi, la loi, votée le 16 février 2022, visant à transposer la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte, a établi un cadre juridique motivateur. Reste à voir si avec le temps, les effets escomptés de cette loi seront au rendez-vous. Pour le moment, un très faible nombre d’entreprises a mis en place des procédures de recueil des signalements émis. La question de la durée nécessaire pour les entreprises de moins 50 salariés pour se conformer à cette obligation légale se pose, tout comme la gouvernance effective pour s’assurer de la mise en application de cette loi.
Les efforts dans cette lutte à l’évasion fiscale sont nombreux même s’ils demeurent insuffisants. Pour plus d’efficacité, la cohésion internationale autour de ce sujet semble indispensable. Mais une gouvernance internationale parait nécessaire pour plus d’efficacité. Le GAFI (Groupe d’Action Financière) est une très belle réussite de cohésion internationale. Néanmoins, la cohésion internationale est complexe à trouver, les négociations sont souvent un labyrinthe politique tant les intérêts nationaux peuvent être divergents. In fine, les directives et mesures doivent encore évoluer. La chercheuse Lakshmi Kumar disait à juste titre : « Les scandales révèlent et nous indiquent ce que nous faisons bien et ce que nous faisons mal pour bonifier les réglementations et stratagèmes de lutte contre l’évasion fiscale ». Ce qui est dommage, c’est qu’il faille attendre la réalisation d’événements pour dépasser les clivages internationaux, et ainsi placer l’action internationale en réaction plutôt qu’en anticipation. En attendant, le manque à gagner fiscal demeure inchangé, et alimente d’autres crises à dimensions économiques, sociales ou géopolitiques.