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Environnement Magazine

– le 22 janvier 2024

Augustin de Chevron Villette, consultant au sein du cabinet de conseil Square Management, fait le point sur la prise en compte par les entreprises et les institutions de leur impact sur la biodiversité. 

L’impact des activités humaines sur la biodiversité est devenu une préoccupation majeure à l’échelle mondiale. Comprendre et quantifier cet impact revêt une importance capitale, car la biodiversité est intrinsèquement liée à notre économie, contribuant à environ 55 % du PIB mondial. Cependant, il est alarmant de constater que les entreprises ne tiennent pas suffisamment compte de leur dépendance à l’égard de la biodiversité dans leurs opérations financières. Cette négligence survient alors que la perte de biodiversité s’accélère, avec déjà près de 75% des milieux terrestres et 40% des écosystèmes marins fortement dégradés d’après le ministère de la transition écologique.

Les répercussions économiques de la perte de biodiversité sont significatives, et selon les estimations de la Convention sur la diversité biologique et du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), des investissements annuels de 150 à 440 milliards de dollars sont nécessaires pour inverser ce déclin. Toutefois, les investissements actuels du secteur privé sont bien en deçà de ces chiffres, avec seulement 78 à 91 milliards de dollars enregistrés en 2020 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

L’accord récent de la COP15 biodiversité, impliquant 196 pays, a établi des objectifs ambitieux, notamment la protection de 30 % des espaces terrestres et marins d’ici 2030, la conservation des écosystèmes, leur exploitation durable, et la juste répartition des bénéfices tirés des ressources génétiques. Dans ce contexte, des réglementations telles que la taxonomie européenne, la loi énergie-climat, la CSRD et la TNFD encouragent les acteurs économiques à évaluer et à divulguer leurs risques, dépendances et impacts liés à la biodiversité.

Intégration de la biodiversité à travers des outils de mesure

Pour relever ces défis, les entreprises et les investisseurs commencent à intégrer la biodiversité dans leurs stratégies. Ils s’appuient sur des outils de mesure en constante évolution pour quantifier leur impact. Parmi ces outils, citons le Biodiversity Footprint for Financial Institutions (BFFI), le Global Biodiversity Score (GBS), le Corporate Biodiversity Footprint (CBF), et l’indicateur Global Impact Database (GID).

Le BFFI utilise l’Analyse du Cycle de Vie pour évaluer l’impact des investissements sur la biodiversité, en prenant en compte des indicateurs tels que la disparition des habitats et les pressions environnementales. Le GBS, quant à lui, offre une évaluation multicritère des impacts sur la biodiversité, incluant la superficie des espaces, la qualité des écosystèmes et les services écosystémiques. Le CBF se concentre sur la création de bénéfices durables, évaluant la performance financière des projets de conservation. Enfin, le GID mesure l’impact sur la biodiversité en prenant en compte des pressions telles que le changement climatique, la pollution, et l’occupation des sols.

Parmi ces outils, le GBS est celui qui est aujourd’hui le plus utilisé par les institutions financières (ex : La Banque Postale Asset Management (LBPAM) avec le fonds Tocqueville Biodiversity ISR). Il analyse l’impact des activités d’une entreprise sur la biodiversité en modélisant les différentes pressions tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Il prend en compte les impacts statiques et dynamiques, offrant ainsi une vision complète de l’impact sur la biodiversité. De plus, il est aligné sur toutes les initiatives en cours en termes de biodiversité (SBTN, CDP, TNFD, etc.).

Les défis à surmonter : vers un avenir “nature positive”

Bien que le GBS reste l’outil le plus utilisé, il est important de reconnaître qu’il n’est pas complet et que chacun de ces outils présente des axes d’améliorations, notamment en termes de quantité et de qualité des données. Nous traversons actuellement une phase de transition, caractérisée par l’incertitude quant à la pertinence des méthodologies. Néanmoins, il est impératif de ne pas différer l’action en attendant de disposer de méthodes parfaites. Le temps presse, et des indicateurs tangibles, tels que l’urbanisation croissante des sols, la déforestation et la raréfaction de certaines matières premières, sont déjà visibles. Il est vraisemblable que dans les cinq à dix prochaines années, nous disposerons de métriques partagées. L’élément essentiel réside dans le fait que ces métriques reposent sur un solide socle conceptuel, permettant une réactivité appropriée dans la prise de décisions. La biodiversité est un enjeu systémique qui dépasse le simple ratio rendement/risque.

Pour y parvenir, en tant que société, nous devons reconnaître l’importance vitale de préserver la biodiversité. Cet enjeu dépasse largement les limites géographiques et sectorielles, étant intrinsèquement lié à notre bien-être économique et environnemental. Nous devons par conséquent intégrer la biodiversité au cœur de nos processus décisionnels, nous doter d’outils de mesure adéquats et encourager une collaboration active entre tous les acteurs.

En conclusion, il est impératif d’aborder les questions de suivi, d’évaluation, et de mise en œuvre opérationnelle du calcul de « l’empreinte biodiversité ». L’adoption de la CSRD en Europe et l’émergence de la TNFD témoignent de la volonté des acteurs de créer un cadre harmonisé. Les recommandations finales de la TNFD, en septembre dernier, offre une opportunité cruciale d’intégrer ces éléments dans les processus décisionnels des entreprises et institutions financières.

Par Augustin de Chevron Villette​, Consultant chez Square Management.

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