Revue Banque
– le 2 mai 2022
L’activité bancaire connaît depuis 2007 un renforcement des exigences réglementaires visant à renforcer la résilience du système financier, en limitant la survenance des crises et, lorsqu’elles surviennent, en réduisant leur ampleur et les phénomènes de contagion. L’ampleur de la crise économique et la menace sur le risque de crédit provoquée par la pandémie de COVID19 en 2020 et 2021 confirment logiquement ces tendances.
Pour sécuriser la stabilité financière et la résilience bancaire, les autorités ont privilégié une approche quantitative, fondée sur le respect, par les établissements concernés, de ratios financiers contraignants.
Fondamentalement, il s’agit de veiller à l’application d’une provision suffisante des expositions en défaut — suffisante eu égard à des planchers réglementaires définis en fonction de certains attributs de l’exposition — faute de quoi les éventuelles insuffisances entraînent des pénalités de fonds propres éligibles appliqués au numérateur du ratio de solvabilité. Il s’agit donc d’un processus calculatoire et fonctionnel à déployer au sein de la banque.
Le déploiement de ce processus calculatoire se situe au croisement de nombreux enjeux, tels que par exemple la transformation du système d’information de la banque avec la modernisation des infrastructures et la ré-urbanisation des services. Car les exigences à adresser sont nombreuses, citons entre autres :
- L’exigence de granularité : le montant d’insuffisance en provisions est déterminé au niveau contrat, afin d’éviter les effets de compensation globale à l’échelle d’un portefeuille et ainsi assurer la couverture unitaire de chaque risque de crédit.
- La grille de pondération forfaitaire : très simplifiée et donc peu sensible aux spécificités des nombreux produits et portefeuilles de la banque, celle-ci dépend de quelques caractéristiques de chaque exposition, à savoir l’ancienneté du classement en statut non-performant, le type de couverture disponible ainsi que l’ancienneté de la première mesure de restructuration.
A ce stade, il peut être jugé regrettable que ces dispositions calculatoires ne capitalisent pas plus explicitement sur les standards bâlois déjà appliqués depuis de nombreuses années, obligeant les banques à déployer de nouvelles variantes de calculs, de reportings, d’axes d’analyse, etc. pas toujours porteur de valeur pour le business, et sans même évoquer les charges administratives et humaines que le processus implique.
Le calcul backstops à proprement parler consiste schématiquement à opérer plusieurs étapes successivement :
- Application des garanties éligibles : allocation des garanties éligibles et création des couples contrats-garanties ainsi que des parts résiduelles non couvertes
- Détermination de l’exigence en provisionnement : application du coefficient réglementaire de provisionnement minimal
- Détermination de l’insuffisance en provisionnement : calcul du différentiel entre l’exigence de provisionnement minimal et les couvertures disponibles (provisions, etc.) à la maille contrat
Le calcul décrit ci-dessus, au-delà des usages de pilotage interne et de projections économiques et financières, est également destiné au reporting reglementaire COREP.
Mise en perspective de ses impacts financiers, cette mesure est jugée trop sévère par les associations professionnelles et les établissements systémiques. En effet, le défaut fait déjà l’objet de couvertures par :
- Les provisions au titre d’IFRS9 et des pertes de crédit attendues
- Le capital au titre de la CRR2 et des pertes inattendues
De plus, le solde différentiel entre pertes attendues (bâloises) et provisions donne déjà lieu à une pénalité de fonds propres.
Il s’agit donc bien d’une quatrième surcouche de couverture qui relève d’une approche macro-économique sans doute pertinente, mais dont la mise en application, banque par banque et client en défaut par client en défaut, va entraîner une décorrélation entre le provisionnement empirique (au sens statistique ou à dire d’expert, selon le portefeuille de client concerné) opéré par la banque et le provisionnement exigé par les autorités.
Face à cela, les institutions se confrontent schématiquement face à deux alternatives :
- Soit elles intègrent cette exigence directement dans leur stratégie de provisionnement (et donc de pricing, etc.) : le ratio de solvabilité est ainsi protégé au prix d’une dégradation du compte de résultat.
- Soit elles privilégient le statu quo sur leur stratégie de provisionnement censé refléter leur niveau réel de perception des risques, une approche aujourd’hui le plus souvent recommandée par les commissaires aux comptes : le résultat d’exploitation n’est pas dégradé en revanche le ratio de solvabilité peut subir une légère baisse.
Entre ces deux extrêmes, plusieurs variantes sont bien entendu envisageables et requièrent de chaque établissement de revoir son analyse de soutenabilité pour établir sa stratégie prudentielle. Encore une preuve, s’il en fallait une, de l’impact de la réglementation sur l’activité bancaire et le financement de l’économie réelle, en particulier le financement des clients en situation de difficulté.
Par Adrien Aubert, Associate Partner Square.
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