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Entre « greenhushing » et convictions, les banques face au défi de l’investissement responsable

La Tribune

– le 21 septembre 2024

Alors que l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations insuffle une vigueur nouvelle au développement de solutions d’investissement dites « responsables », certaines banques se voient contraintes à rester discrètes sur leurs progrès dans la matière, dans une démarche que certains experts qualifient de « greenhushing » (ou éco-silence). Le motif ? Une clientèle sceptique et parfois même opposée à ces produits, qu’ils considèrent comme compromettant la performance de leurs investissements au bénéfice de la durabilité. Comment les banques peuvent-elles gérer ces biais psychologiques afin de concilier satisfaction client et durabilité ? Par José Smith-Queipo, Project Manager en Digital & Marketing chez Square Management.

Contraintes par la réglementation MIFID, les banques européennes s’enquièrent des préférences de leurs clients en matière d’investissements depuis maintenant plus d’un an. Pour répondre aux choix exprimés par ces derniers, elles ont développé des gammes complètes de solutions et de mandats d’investissement adaptés. Certaines ont même intégré les critères ESG ‑axés sur les initiatives Environnementales, Sociales et de gouvernance des entreprises dans lesquelles elles investissent-dans l’ensemble de leurs solutions.

Or, chez certaines banques, seule une minorité des clients s’est déclarée intéressée par les investissements durables, tels que définis dans le questionnaire MIFID, plus de la moitié se déclarant neutre. Les sujets de performance restent la première préoccupation chez une majorité des clients. De plus, il est observé que, bien que de nombreux clients aient des convictions durables, leur propre conception de la durabilité diffère souvent de celle établie par la réglementation.

Cette situation a mis en porte-à-faux l’année dernière certains établissements qui ont vu leurs solutions et mandats responsables sous-performer par rapport aux principaux indices, portés par le pétrole ou la Big tech, exclus de ces mandats. Des clients ont alors exprimé leur mécontentement et confronté directement leurs conseillers sur l’approche responsable adoptée par leurs banques.

Face à des réactions de ce type, les établissements ne font pas marche arrière, mais essaient de minimiser l’aspect responsable de leurs choix dans une nouvelle tendance qu’on commence à appeler « greenhushing ». Mais il existe des solutions pour combiner responsabilité et satisfaction client.

Travailler la proactivité

Face à la tentation légitime de ne pas exaspérer des clients exigeants, le travail sur le renforcement de la relation client constitue le premier axe d’amélioration. Le principal obstacle est le temps que les conseillers bancaires peuvent dédier à se former au sujet de l’investissement responsable et à communiquer avec leurs clients. En effet, les conseillers sont souvent accaparés par des tâches administratives, ce qui limite leur capacité à acquérir la confiance nécessaire sur ce sujet auprès de leurs clients. Libérer du temps aux gestionnaires pour se former sur ces questions peut permettre aux banques de tirer leur épingle du jeu.

C’est à travers le dialogue avec leur conseiller que les clients ayant leurs propres définitions de durabilité peuvent trouver des terrains d’entente. Les banquiers qui initient des communications régulières, de préférence en face-à-face, pour sensibiliser leurs clients aux enjeux de durabilité et comprendre leurs attentes sont mieux positionnés pour susciter leur adhésion pour cette approche d’investissement.

Au-delà des interactions face à face, une approche multicanale aide à avoir une portée maximale. Certaines banques abordent l’investissement responsable avec des programmes de marketing ad hoc, traitant le sujet comme une entité à part entière. Les programmes de marketing direct multicanal combinent de façon astucieuse les sollicitations régulières du conseiller avec du contenu adressé via les plateformes digitales et même l’événementiel, outil puissant de communication client. Les stratégies gagnantes vont encore plus loin et combinent le marketing direct avec les campagnes digitales et les relations publiques, ce qui a l’avantage de toucher aussi bien les clients que les prospects.

Proposer des solutions à impact tangible

Certaines banques confirment que leurs clients cherchent avant tout à avoir un impact positif sur des sujets qui leur tiennent à cœur et que la difficulté est de proposer des solutions dont l’impact est tangible. Ajouter aux solutions responsables cette dimension représente une opportunité pour améliorer l’alignement des clients vis-à-vis de l’investissement responsable.

Les produits à double impact répondent à cette problématique proposant un impact tant au niveau des sociétés dans lesquelles les fonds investissent qu’en post-investissement, au travers des activités d’impact direct et local développées par des partenaires. Ces partenaires investissent les frais de gestion dans des projets locaux, soutenant des entrepreneurs en précarité ou des initiatives sociales et environnementales. Ces solutions proposent une rentabilité et des frais comparables aux meilleurs fonds du marché et commencent à être commercialisées au sein de certaines banques, adressant de front les faiblesses en matière d’identification d’impact dont pâtissent banquiers et clients engagés.

À un moment où les perceptions des clients quant aux avantages de l’investissement responsable sont encore émergentes, une approche silencieuse de la part des banques peut être fatale à la vision long terme du développement durable qu’elles se fixent. Le dialogue continu et le développement de solutions innovantes sont la clé pour réussir le changement de paradigme. À l’heure d’une réglementation encourageante et d’enjeux sociétaux pressants, accompagner leurs clients dans l’évolution de leurs mentalités vis-à-vis de la finance responsable représente le plus grand défi pour les banques.

Par José Smith-Queipo​, Project Manager en Digital & Marketing, chez Square Management.

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