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Economie Matin

– le 14 novembre 2022
Les conséquences du changement climatique sont déjà visibles sur certaines régions du globe, telle que les récentes inondations meurtrières au Pakistan (1), et ont des impacts d’une envergure sans précédent sur la population et l’économie locale et globale.
Dans ce sens, la réglementation a beaucoup évolué : d’une part pour inciter les particuliers et entreprises à placer la question environnementale au cœur de leurs préoccupations, et d’autre part, pour tester et accroître leur résilience face au changement climatique.

Si ces directives émanent essentiellement des États, il semblerait que la question de leurs propres solvabilités soit un paramètre oublié, alors même que la fréquence et l’intensité des catastrophes climatiques les touchant directement augmenteront… et pèseront sur leurs finances (2).

Le changement climatique : un tribut pour les pays en développement.
Principaux émetteurs de Co2, les Pays du Nord (3) ont contribué à l’anthropocène (4) sans pour autant être les premières victimes de cette nouvelle ère. En effet, les pays développés sont considérés aujourd’hui comme les principaux auteurs des pertes et dommages (5), véritables externalités négatives infligées aux pays du Sud. Autrement dit, les pollueurs ne seront pas ceux qui paieront les conséquences de cette pollution. Ces externalités se traduisent déjà par des famines, des migrations de populations, voire, dans les scénarios les plus extrêmes, des conflits armés, rendant des régions entières invivables sous bien des aspects (6) (7). Couplé à une crise de financement, souvent préexistante, les Etats du Sud se trouvent dans une véritable impasse aux conséquences socio-économiques désastreuses.

C’est pourquoi les pays développés membres du G7 avaient promis (en 2009) 100 milliards de dollars, à horizon 2020, aux pays du Sud pour les aider à s’adapter aux impacts du changement climatique et démarrer leur transition écologique. Constat : 20 milliards de dollars manquaient toujours à l’appel en 2019 selon l’OCDE (8).

Dette et risque climatique : un cercle vicieux qui s’installe progressivement.
Une catastrophe naturelle, quelle que soit son intensité, laisse des traces de son passage. Ces traces prennent la forme de dégâts (immatériels ou matériels) qui nécessitent une prise en charge à la fois immédiate (secours à la population…) et à plus ou moins long terme (réhabilitation du territoire, des infrastructures, de l’économie…).

D’après une étude du FMI, l’impact financier de ces catastrophes naturelles est inégalement ressenti en fonction du niveau de développement des pays et de leur niveau de préparation vis-à-vis du changement climatique (9). Une des causes ? L’accès au financement qui est construit de telle sorte que les conditions de financement sont dépendantes du risque encouru par l’organisme créancier (10). Or, dans un contexte de fragilité et/ou de difficulté financière, tel que dans les pays en développement, le risque (11) encouru par le créancier est plus élevé.

Généralement, cette fragilité financière est identifiée à travers le risque de solvabilité, représenté par une note, élaborée par les agences de notation. Allant de “A” à “D”, les mauvais élèves (c’est-à-dire les plus risqués) se voient pénalisés sur les marchés financiers, se traduisant par des taux d’intérêt plus élevés… La conséquence ? Un coût du financement qui augmente, affaiblissant de facto le pays dont les efforts sont dirigés vers le remboursement de la dette plutôt que dans la mise en place d’une politique de résilience climatique, voire de transition vers une économie bas carbone.

Autre facteur dégradant, un haut niveau d’endettement peut pousser certains pays à exploiter et vendre leurs ressources naturelles (12) (forêt, pétrole,…) pour avoir rapidement accès à des liquidités qui leur permettront de rembourser, tout en ayant des conséquences néfastes sur le climat et la biodiversité.

Le “climate debt swap” : la solution?
Récemment la notion de “dette climatique” est apparue. Derrière cette notion se cache un objectif simple : réaffecter la qualité de créancier aux pays du Sud. Cette fois, c’est aux pays du Nord de payer la facture afin de permettre à ces derniers de financer leur résilience et leur transition. Pour Attac France (13), ce transfert doit se matérialiser par un effacement des dettes pour permettre aux pays du Sud d’être au rendez-vous de la transition. Malheureusement, en 2019, 71% du total des financements climat à destination des pays du Sud l’étaient sous forme de prêts (14)…

Dans ce contexte, la ”dette climatique” est loin de répondre aux problématiques financières et environnementales des pays vulnérables. A défaut, un autre concept ressurgi récemment dans les discours politique, à l’occasion notamment des inondations au Pakistan et dont les coûts de destructions sont estimés par l’ONU à 30 milliards de dollars (15).

Ce concept est le “debt swap for nature” : le pays ne doit plus diriger ses efforts vers le remboursement des prêts mais vers des investissements pour mettre en place sa transition et améliorer sa résilience. Dans un article publié par le FMI en avril dernier (16), ce mécanisme est défini comme une réponse aux insuffisances des subventions et un véritable soutien aux économies à la fois très endettées et sensibles au changement climatique.

Cette question du debt swap et des conditions afférentes fera l’objet de négociation lors de la COP27 qui se tiendra à Charm el-Cheikh le 7–18 Novembre 2022 (17). L’objectif sera notamment de définir le cadre permettant la réalisation de cet échange de dette . Néanmoins, et bien que cette réponse présente l’avantage de transférer l’effort de remboursement à l’effort de transition, les debts swaps climatique ne peuvent remplacer des programmes de restructuration, notamment lorsque l’état a un niveau d’endettement très élevé.

Les répercussions économiques du changement climatique commencent à être observées et les travaux prospectifs (en témoigne le rapport AR6 du GIEC (18) ), montrent que les dégâts sont et seront de plus en plus conséquents. Le coût afférent risque de créer et alimenter un cercle vicieux entre financement de l’adaptation et risque perçu par les investisseurs.

Pour pallier ce risque, la notion de dette climatique et le debt swap permettent de qualifier les pays du nord de débiteur vis à vis du sud, dans un souci premier de justice climatique. Mais au-delà de ce concept, c’est aussi l’assurance de se prémunir des catastrophes futures, qu’elles soient sociales, économiques et financières…à l’échelle mondiale.

Sources

(1) https://www.geo.fr/environnement/inondations-au-pakistan-le-rechauffement-climatique-aurait-augmente-les-pluies-extremes-jusqua-50–211761

(2) Source : https://www.lefigaro.fr/societes/inondations-au-pakistan-la-piste-d-un-echange-de-la-dette-20220915

(3) Les appellations “Pays du Nord” et (par opposition) “Pays du Sud” font référence aux deux groupes d’Etats du Monde en fonction des critères de développement, les premiers regroupant les pays dits développés

(4) L’anthropocène désigne l’époque géologique qui aurait débuté quand l’influence de l’être humain sur la biosphère est devenue significative à l’échelle de l’histoire de la Terre

(5) Les pertes et dommages, reconnus par l’accord de Paris de 2015, se réfèrent aux dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique, qui ne peuvent être évités ni par des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ni par l’adaptation

(6) Source : https://www.icrc.org/fr/document/mali-niger-changement-climatique-et-conflits-forment-un-cocktail-explosif-au-sahel‑0

(7) https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/la-famine-progresse-dans-les-pays-vulnerables-amplifiees-par-les-catastrophes-climatiques-151055.html

(8) Source : https://www.oecd.org/fr/presse/declaration-de-m-mathias-cormann-secretaire-general-de-l-ocde-sur-le-financement-climatique.htm#:~:text=%22Le%20financement%20climatique%20a%20continu%C3%A9,Secr%C3%A9taire%20g%C3%A9n%C3%A9ral%20de%20l’OCDE

(9) Source : https://www.imf.org/fr/Blogs/Articles/2021/02/17/blog-why-climate-change-vulnerability-is-bad-for-sovereign-credit-ratings

(10) Autrement dit, plus le risque de défaillance du débiteur est élevé, et plus les conditions d’octroi et de prêts seront difficiles et exigeantes (taux d’intérêt plus élevé voire un refus de prêt)

(11) en l’espèce, celui de ne pas se faire rembourser

(12)  A titre d’exemple, la Côte d’Ivoire, la Malaisie et la Papouasie Nouvelle Guinée ont exploité leur forêt afin de pouvoir payer les services de leur dette

(13) Source : https://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/action-debt-for-climate-annulons-la-dette-pour-le-climat

(14) Source : https://www.oecd.org/fr/presse/declaration-de-m-mathias-cormann-secretaire-general-de-l-ocde-sur-le-financement-climatique.htm

(15) Source : https://www.lefigaro.fr/societes/inondations-au-pakistan-la-piste-d-un-echange-de-la-dette-20220915

(16) Source : https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2022/08/11/Debt-for-Climate-Swaps-Analysis-Design-and-Implementation-522184

(17) Source : https://www.climatechangenews.com/2022/09/02/african-nations-eye-debt-for-climate-swaps-as-imf-takes-an-interest/

(18) Lien vers le rapport : https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/

Par Sarah Daymier, Project Manager et Guillaume Flament, Consultant Square Management.

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