Environnement Magazine
– le 17 Juillet 2023
La nécessaire mesure du risque de biodiversité
Ce contexte réglementaire se nourrit des conclusions des différentes études qui ont fleuri ces derniers temps. L’OCDE propose une estimation financière de la valeur des bienfaits procurés par les services écosystémiques, qui se situerait entre 125 000 et 140 000 milliards USD (dollars des États-Unis) par an, soit plus d’une fois et demie le montant du PIB mondial. Malheureusement, et selon le dernier rapport de l’IPBES, 14 des 18 principaux services écosystémiques (tels que la pollinisation, la régulation de la qualité de l’air, la régulation du climat, l’alimentation…), dont nous sommes pourtant directement dépendants, poursuivent une trajectoire globale de déclin depuis cinquante ans déjà.
Aussi, l’inaction a un coût, direct ou indirect, lié à la destruction de ce patrimoine naturel. La destruction des récifs coralliens en donne un parfait exemple : depuis les années 1970, on estime que près de la moitié ont été détruits à cause du changement climatique, et en particulier sur les dernières décennies. Or, et toujours d’après l’OCDE, ces récifs rapportent à eux seuls 36 milliards USD par an au secteur mondial du tourisme…
Ainsi, la réglementation s’est emparée de ces problématiques, afin d’orienter les organisations à intégrer les impacts et dépendances du modèle économique sur la biodiversité. Depuis la conférence de Rio en 2012, les organisations sont en effet invitées à communiquer davantage sur ces thématiques. En France par exemple, l’article 29 de la Loi Énergie Climat impose désormais aux investisseurs d’intégrer dans les déclarations de performances extra financières (DPEF) un volet portant sur la biodiversité. En Europe, des dispositifs similaires sont progressivement adoptés, et la réglementation CSRD va inciter l’ensemble des entreprises (au-delà être d’une certaine taille) à communiquer sur ce thème.
Un cadre normatif pour pallier les insuffisances réglementaires
En la matière, l’UICN a établi en 2016 un ensemble de recommandations et de lignes directrices en matière de reporting biodiversité. Ces recommandations établissent une liste d’indicateurs opérationnels et implémentables, dont les objectifs peuvent être multiples : dresser un constat grâce aux indicateurs descriptifs, rendre visible des actions (via des indicateurs de performance), ou encore donner un aperçu de l’efficacité environnementale des activités (cad évaluer les ressources naturelles utilisées, ainsi que les émissions et pollutions induites).
En complément de ces recommandations, de nombreuses initiatives volontaires visant à encadrer le reporting ont émergé ces dernières années: le SBTn, le TNFD, GRI 304, PBAF ou encore les recommandations du CDSB. Ces initiatives retrouvent une déclinaison dans les standards qui émergent, à l’instar des normes IFRS‑S en cours d’élaboration par la fondation IFRS ou encore les normes ESRS dans le cadre de la mise en place de la CSRD.
Si les standards IFRS‑S ou ESRS tardent à arriver, les initiatives ont au moins l’avantage de procurer aux entreprises les premiers outils pour évaluer l’impact et les dépendances des activités vis-à- vis du monde du vivant.
De la mesure du risque à l’identification des opportunités
La première s’appuie sur un principe simple : maîtriser son risque revient à se construire des bases solides et pérennes. La publication de Novembre 2021 du CDBS précise en effet que les opportunités peuvent être la conséquence directe et positive d’un pilotage efficace des risques, identifiés et évalués, notamment dans le cadre de ces reportings extra-financiers. Par exemple, évaluer aujourd’hui les pertes financières liées à l’érosion des écosystèmes (en particulier dans une démarche projective), anticiper la transition vers une économie positive pour la biodiversité… sont autant de moyens de limiter les futurs chocs liés à ces changements.
La seconde source d’opportunités découle de la perception même de la biodiversité : en la considérant comme une ressource économique à part entière (c’est à dire en reconnaissant pleinement la dépendance de nos activités vis-à-vis des services écosystémiques), cette composante a toute sa place dans le modèle d’affaires de l’entreprise. Ainsi, il devient possible de construire et proposer des nouveaux produits / services où la biodiversité est le point d’ancrage principal. Dans notre exemple du tourisme, ce risque d’érosion des écosystèmes doit permettre aux acteurs de proposer une nouvelle structuration de l’offre : diversification des destinations et des saisons touristiques, valorisation du potentiel des espaces naturels… d’autant plus que le gouvernement français apparaît comme force de proposition pour permettre aux acteurs de cette filière de transformer le risque en véritable opportunité.
Malgré la contrainte réglementaire, la rédaction d’un reporting extra financier embarquant le volet biodiversité ne doit pas être une fin en soi pour les entreprises. Au-delà des objectifs de transparence et de communication, le pilotage efficace, la maîtrise des risques ou encore la place occupée par la nature et sa diversité dans le modèle d’affaire est source d’opportunités… à saisir dès à présent.
Par Sarah Daymier, Project Manager chez Square Management.
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