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Revue Banque

– le 06 février 2022

Les risques climatiques doivent désormais faire partie intégrante des exigences opérationnelles et le maximum sera fait pour les intégrer aux mécanismes de supervision.

Un mois après l’annonce par la Banque Centrale Européenne (BCE) de la mise en demeure des banques sous sa supervision pour accélérer la prise en compte opérationnelle des risques climatiques dans leur pilotage, l’Autorité bancaire européenne (European Banking Authority, EBA) vient de publier sa feuille de route pour intégrer de nouvelles exigences réglementaires en matière de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

En cohérence avec l’ambition européenne de viser la neutralité carbone à horizon 2050, les autorités bancaires préparent depuis plusieurs années un plan de bascule vers une finance plus durable. Avec cette feuille de route, l’EBA présente son rôle dans le domaine du risque climatique, les mandats reçus du législateur de l’Union européenne ainsi que les activités planifiées et calendriers associés.

Les risques ESG et la finance durable entraînent des transformations majeures de l’économie. II devient nécessaire de les intégrer dans les processus de gestion des risques et ils devraient prendre davantage d’importance dans les activités de l’EBA : contribuer à élaborer un cadre réglementaire et de surveillance pour ces risques en les ancrant dans les réglementations pertinentes, fournir des conseils sur leur gestion et sur les pratiques de surveillance et mener des exercices d’analyse et de surveillance de ces risques (tests de résistance notamment).

L’EBA veillera donc à assurer la résilience du secteur bancaire face à ces risques, appliquer le principe de proportionnalité de manière appropriée et soutenir l’agenda européen et international en matière de finance durable.

Travaux sur les trois piliers

Les travaux de l’EBA sur les risques ESG porteront sur les trois piliers du cadre bancaire :

  • Pilier 1 : exigences quantitatives de fonds propres et évolutions à venir du traitement prudentiel des expositions ;
  • Pilier 2 : surveillance et intégration de la gestion des risques ESG dans le dialogue SREP (Superuisory Reuieu; and Eualuation Process) entre autorités et établissements, avec des règles harmonisées au niveau de l’UE et utilisation des tests de résistance climatique ;
  • Pilier 3 : discipline de marché, dont l’ajout de critères de transparence et de divulgations renforcées (liées à la durabilité)

Concernant les exigences minimales de fonds propres, l’EBA doit évaluer un traitement prudentiel spécifique des expositions à des actifs associés à des objectifs environnementaux ou sociaux. Un document de travail, publié en mai 2022, a permis de lancer une discussion avec les établissements. Ces évolutions, nécessairement liées à la mise en œuvre de la nomenclature des actifs financés et de la destination des financements, seront traduites dans le COREP (Common Reporting).

Dans les révisions de CRR (Capital Requirements Regulation), la Commission européenne (CE) inclut l’obligation, pour les établissements, de communiquer des informations sur leur exposition aux risques ESG. À ces fins, l’EBA développera des formats et modèles de déclarations uniformes via les ITS (Implementing Technical Standards). Afin de garantir l’intégration des risques ESG dans la gestion des risques, l’EBA a publié en 2021 des définitions communes les concernant. Ses travaux fourniront davantage d’orientations aux institutions et aux superviseurs et doivent conduire à une révision du SREP, de sorte que l’EBA ait mandat pour superviser les pratiques opérationnelles, qui devront intégrer les simulations de crises liées au changement climatique.

L’EBA a déjà mené un exercice pilote à l’échelle européenne en 20202. Elle développera des méthodologies communes pour évaluer régulièrement l’impact d’éventuels chocs climatiques sur le secteur bancaire, en complément des tests de résistance standard. De plus, l’EBA (de même que la BCE et d’autres ESA) est en train de préparer un test de résistance climatique conjoint unique pour l’ensemble du secteur financier de l’UE, afin d’évaluer ses vulnérabilités, y compris par le biais des liens entre ses différents secteurs, et la façon dont ces vulnérabilités sont liées à la transition.

L’ESG dans les programmes d’examen prudentiel

Les banques sont prévenues : l’EBA a inclus les risques ESG dans ses programmes européens d’examen prudentiel.
En janvier 2022, les normes techniques d’exécution (ITS) relatives aux informations prudentielles sur ces risques ont normalisé la divulgation des informations adéquates. Tout en veillant à leur cohérence au niveau international, l’EBA continuera d’élaborer des normes de reporting en matière de durabilité.

En 2021, dans le cadre de SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation, soit les exigences de publication sur l’alignement des produits financiers avec la taxonomie européenne), les trois autorités européennes de surveillance ont défini des normes techniques et réglementaires. L’EBA a ainsi conseillé la CE sur les indicateurs clés de performance pour la transparence des activités écologiquement durables, en se concentrant sur les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
L’EBA soutiendra également la CE sur l’extension des indicateurs de performance définis dans son règlement délégué aux autres objectifs environnementaux spécifiés à l’article 9 du règlement sur la taxonomie.

En avril 2022, la CE a demandé la modification du règlement SFDR, afin d’améliorer la transparence des produits liés aux activités liées aux énergies fossile et nucléaire, de réexaminer les indicateurs des principaux effets négatifs et informations sur les produits financiers et de changer les objectifs de décarbonation.

Enfin, dans une optique de transparence de marché et de fluidification du refinancement à l’aune des exigences ESG, l’ESA finalise la normalisation des informations qu’un initiateur d’une titrisation peut choisir de divulguer. L’objectif est d’améliorer la transparence et de comparer les impacts négatifs potentiels sur les facteurs de durabilité (finalisation prévue pour début 2023).

L’intérêt de la labellisation

Les Accords de Paris avaient mis en avant le rôle du secteur financier pour accompagner la transition vers une économie bas carbone. Les autorités bancaires se sont saisies du sujet pour créer un cadre contraignant et susceptible d’améliorer la résilience face aux risques climatiques, dont l’EBA, qui a entamé de nombreux travaux sur ce sujet. Sa feuille de route est un état de l’art et de nombreuses pistes sont en cours d’exploration pour accélérer les mutations, aussi bien à l’actif qu’au passif des établissements.

Le risque de réputation ou de responsabilité, qui se matérialise d’un point de vue financier comme un risque opérationnel, n’est pas explicitement évoqué à ce stade. La question est posée de manière indirecte : le greenwashing est à l’étude pour créer un cadre normatif, afin de l’identifier formellement et d’y mettre un frein (jusqu’à, éventuellement, des sanctions).

Dans ce domaine, la labellisation peut s’avérer un outil intéressant. Cette piste est notamment explorée, en complément des titrisations, pour les obligations vertes (mais aussi les «prêts verts »). En capitalisant sur les mécanismes déjà en place de mobilisation de créances dans les stratégies dites « originateto distribute », la labellisation peut constituer une incitation pour les établissements à mieux catégoriser leurs actifs, afin de créer des pools de financements qui répondent aux demandes des investisseurs pour des titres plus vertueux, adossés à des prêts certifiés verts.

La feuille de route de l’EBA confirme ainsi que de nombreux chantiers doivent être lancés au sein des banques. La tâche peut sembler colossale, des difficultés macroéconomiques, comme l’inflation, vont percuter cette trajectoire, sans compter que la priorité était jusqu’à maintenant accordée à la rationalisation des coûts ou à la modernisation des infrastructures par la digitalisation, mais l’urgence climatique ne laisse pas de place à la demi-mesure réglementaire et encore moins à une demi-mise en œuvre par les établissements financiers.

Par Quentin Lajaunie, Consultant Senior et Chercheur et Adrien Aubert,  Associate Partner Square Management.

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