La Tribune
– le 10 septembre 2021
Les monnaies locales complémentaires (MLC), reconnues en France depuis juillet 2014, sont des monnaies complémentaires à l’Euro ayant pour objectif le paiement des achats du quotidien dans les commerces partenaires ou la vente de produits locaux, équitables et solidaires. Derrière cette démarche responsable et citoyenne poussée par des associations, il y a la volonté de « rassembler des individus autour d’une même cause, celle de permettre d’échanger différemment. Quelle que soit la forme que prennent ces nouvelles monnaies, les acteurs se rassemblent et discutent » (Rapport de 2018 du Conseil économique, social et environnemental). En ce sens, l’utilisateur n’a rien à y gagner financièrement directement. C’est avant tout un geste militant pour soutenir économiquement et socialement un territoire, en permettant d’une part aux commerçants locaux d’être bénéficiaires de l’acte d’achat et d’entrainer d’autre part une meilleure redistribution via la réinjection de la monnaie par le commerçant dans l’économie locale réelle.
La monnaie a dès lors une vélocité théorique locale (nombre de fois où une unité monétaire est utilisée) beaucoup plus intéressante pour le territoire que si elle était utilisée pour des achats à des groupes internationaux.
Ces MLC existent en France depuis plus de 10 ans, on en dénombre à ce jour 82 sur l’ensemble du territoire. Mais si ce chiffre est preuve d’un maillage conséquent, il est à mesurer au regard de l’activité réelle des monnaies. En effet aujourd’hui les MLC regroupent seulement 10.000 entreprises et associations actives et 35.000 citoyens-consommateurs. Si certaines sont des réussites saluées (l’Eusko, la Pive, la Bou’sol…), beaucoup n’arrivent pas à émerger. Les monnaies peinent à grandir dans leur majorité, alors que leurs situations de développement, liées au cumul de la crise sanitaire et à l’émergence d’un consommateur raisonné est idoine.
Les MLC font toujours face au risque inhérent d’une trop grande confidentialité liée à l’utilisation quasi-réservée des consommateurs avertis et du peu de prestataires acceptant leurs utilisations.
Alors, comment dépasser cette confidentialité ?
Il est certain que faciliter l’utilisation de ces paiements, et d’une manière générale l’expérience utilisateur via des applications mobiles au même titre que pour le secteur bancaire classique, ne peut qu’accroitre l’adhésion au quotidien des MLC.
Aujourd’hui peu de monnaies sont digitalisées, mais des solutions clés en main devraient pouvoir les accompagner. Une autre initiative récente divise et intrigue, l’entrée d’une multinationale dans le réseau des MLC. Depuis mars 2021, Veolia eau du Grand Lyon a adhéré à la monnaie La Gonette. Si certains peuvent voir l’adhésion d’une « société du CAC40 » comme un engagement à l’opposé du projet initial, c’est aussi une nouvelle perspective vers une démocratisation et une expansion de cette monnaie.
Ces MLC sont donc aujourd’hui face à un cap à franchir. Doivent-elles rester autonomes pour garder leur nature première ou se « professionnaliser » pour toucher plus de personnes ? Les différents exemples montrés nous apportent la preuve que l’innovation technologique et le besoin de sortir d’un cadre originel, offrent toutes les clés pour que ces MLC deviennent des outils démocratisés de la consommation locale et raisonnée sur les territoires français. Il semble même nécessaire d’ouvrir encore plus l’innovation sur leurs utilisations ou leurs formats – les cryptomonnaies pouvant potentiellement être une solution appropriée – afin de leur donner le rôle central auquel elles peuvent prétendre dans le financement du « consommer local français ».
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