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L’inclusion financière, un levier pour les banques

Revue Banque

– le 14 juin 2024

Proposer une offre de paiement inclusive permet de répondre à une obligation réglementaire, mais peut aussi constituer une opportunité pour les réseaux bancaires en leur permettant de toucher de nouveaux clients et de proposer de nouveaux services.

Le contexte économique actuel fait peser un risque croissant sur la sécurité financière des ménages. Ces derniers ont vu leur budget mensuel réduit de 120 euros en 2023 à cause de l’inflation, soit 7 % de plus qu’en 2022(1). Même si les indicateurs d’inclusion financière restent stables (surendettement, incidents de paiement, etc.), celle-ci est plus que jamais un enjeu dont les établissements bancaires ont intérêt à se saisir en investissant dans la conception et la commercialisation d’offres de paiement inclusives.

Qu’entend-on par inclusion financière ? D’après la Banque de France, « l’inclusion financière, c’est permettre à toute personne d’avoir accès aux services financiers de base qui sont nécessaires au quotidien : un compte bancaire, des moyens de paiement adaptés, un accès au crédit pour réaliser des petits projets d’insertion, etc. C’est aussi protéger et informer les personnes qui se trouvent en situation de fragilité, grâce à des mesures adaptées. » Cette définition renvoie ainsi à deux dimensions : l’accessibilité et l’accompagnement.

L’inclusion financière est d’abord une obligation réglementaire. Chacune de ses deux dimensions est régie par un cadre législatif précis : l’accessibilité est assurée, en théorie, par le droit au compte (article L. 312–1 du Code monétaire et financier). Sur la dimension accompagnement, les banques sont tenues d’identifier les clients en situation de fragilité financière (décrets du 30 juin 2014 et du 20 juillet 2020) ou de surendettement afin de leur proposer un accompagnement et une offre spécifiques.

Nouveaux clients

Malgré ce cadre, la France se classe au 23e rang mondial sur le sujet de l’inclusion. Les banques ont non seulement un rôle clé à jouer pour progresser là-dessus, mais elles y ont également tout intérêt. Proposer des offres de paiements « inclusives », c’est-à-dire intégrant les deux dimensions d’inclusion financière (accessibilité et accompagnement), peut alors devenir un puissant levier de développement.

Construire une offre de paiement accessible permet d’abord d’adresser de nouveaux segments de clientèle. Posséder des moyens de paiement (carte, RIB, etc.) est en effet une condition essentielle pour s’intégrer et participer à la vie économique et sociale. Créer une offre et des parcours simples et accessibles à des clients habituellement exclus du système financier peut ainsi représenter de réelles opportunités de croissance. Cette approche peut se faire soit en créant une offre spécifique au segment visé, soit en ouvrant et facilitant l’accès de ce même segment à une offre existante. Ces deux logiques ne sont pas nécessairement exclusives. Certaines fintechs ont d’ailleurs fait de cette stratégie un réel facteur de succès, à l’image de Nickel qui a rapidement atteint le seuil de rentabilité et compte aujourd’hui plus de 3 millions de clients.

En contrepartie, cibler de nouveaux segments de clients peut nécessiter d’adapter les dispositifs de maîtrise des risques existants (outils, processus, procédures, etc.), en particulier lors de l’entrée en relation. Un calcul coût-bénéfice devra alors être effectué avant de s’engager sur cette voie.

L’intégration de la dimension d’accompagnement peut, quant à elle, permettre de générer de nouveaux revenus. En identifiant en amont les clients en difficulté financière (avant que ceux-ci n’entrent en situation de fragilité ou surendettement), les acteurs du paiement peuvent concevoir et proposer des services adaptés et payants de coaching budgétaire et financier.
Analyse des dépenses, épargne automatique, alerte en cas de solde bas ou d’arrivée d’un prélèvement sont autant d’exemples de services déjà proposés par certaines banques ou fintechs telles que Bankin, Finary ou Plum.

Être partenaire

Au-delà des revenus additionnels, ces services peuvent également contribuer à limiter les incidents sur compte ainsi que les frais associés et, en retour, améliorer l’image de marque. Avec un NPS moyen de 9 %, les établissements bancaires ont encore une marge de progrès sur ce sujet. L’idée n’est pas de tirer un trait sur les frais d’incident, car ils représentent une source de revenus à la fois importante et légitime au vu des services fournis et des coûts supportés. Il s’agit plutôt de substituer ou compléter ces frais par d’autres revenus, en fournissant des services dont la valeur est plus facilement perceptible par les clients. En se positionnant comme un partenaire financier plutôt que comme un prestataire de services, les banques pourront également compter sur un volume de transactions, et donc de commissions de paiement, plus important. Là encore, un calcul coût-bénéfice devra être effectué.

Proposer une offre de paiement inclusive ne se limite donc pas simplement à une obligation réglementaire, mais peut également présenter un réel intérêt économique. Les banques ont ainsi tout intérêt à investir dans la conception et la commercialisation d’offres de paiement inclusives. Et, au-delà des dimensions économiques et réglementaires, l’inclusion financière peut aussi constituer un pilier majeur de la stratégie RSE des banques.

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La Banque Postale : de la recherche aux solutions d’inclusion

« Les performances financières des banques regorgent de méthodes d’évaluation contrairement aux performances extra-financières, notamment l’aspect social », a pointé Stéphane Dedeyan, président du directoire de La Banque Postale lors de la première édition des Dialogues de l’économie citoyenne. À cette occasion, l’économiste Esther Duflo, présidente de l’École de l’économie de Paris, professeure au MIT et au Collège de France, lauréate du prix Nobel d’économie 2019, a rappelé comment la recherche aide à comprendre les mécanismes sous-jacents de la fragilité bancaire : « Les résultats ne sont pas toujours enthousiasmants, mais c’est le jeu. La seule certitude est qu’il faut faire des évaluations aléatoires, car nos intuitions sont souvent fausses. Entre la théorie et la mise en œuvre, il y a beaucoup d’inconnues. »

En pratique, La Banque Postale a fixé certains critères pour définir les clients financièrement fragiles.
En priorité, quel que soit le nombre d’incidents, tous les clients dont les revenus sont estimés inférieurs au seuil de pauvreté sont considérés comme tels. Ils bénéficient automatiquement du plafonnement des frais d’incident bancaires à 25 euros par mois, et à 20 euros par mois et 200 euros par an s’ils détiennent une formule de compte « Simplicité » ou s’ils bénéficient du service bancaire de base (dans le cadre de la procédure de droit au compte). Les revenus sont appréciés par le flux créditeur mensuel moyen sur le compte. En France, 15 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté fixé par convention à 60 % du niveau de vie médian, soit 1 100 euros environ. La Banque Postale compte parmi ses 20 millions de clients une surreprésentation de personnes en situation de fragilité bancaire.

Par Ilias El Basri​, Senior Manager chez Square Management.

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