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Journal du Net

– le 21 février 2021

Récemment, le Disney Research Lab a présenté un robot donnant l’illusion de vie. Grâce à un système ultra réaliste de micro mouvements mimant le comportement humain, Disney souhaite rendre plus naturelles les interactions humain-robot.
En répliquant l’impact de la respiration, le clignement des yeux ou encore les mouvements de tête réagissant au comportement d’autrui, un nouveau pas dans la robotique a été franchi. Avec pour objectif premier d’intégrer des robots ultra-réalistes dans ses parcs à thème, Disney s’attaque directement à l’un des problèmes de la robotique: la vallée dérangeante.

La vallée dérangeante : quand les robots nous mettent mal à l’aise

Théorisé par le roboticien japonais Masahiro Mori en 1970, cette « vallée dérangeante » correspond initialement au sentiment de gêne, voire de répulsion, des humains face à des robots réalistes mais perfectibles. Cette légère différence entre une apparence « presque humaine » et « pleinement humaine » entraine chez nous un sentiment d’inconfort. En somme, l’affinité pour les robots augmente en fonction de leur ressemblance à l’humain… jusqu’à un certain point.

En suivant la courbe du progrès technologique, les travaux de recherche sur cette vallée dérangeante se sont développés et ont élargi la réflexion au-delà de la robotique. Aujourd’hui, ce sont tous les objets ressemblants à un être humain, comme les poupées, les avatars virtuels ou encore les personnages de films d’animation qui sont étudiés et soumis à la vallée dérangeante.
L’industrie du divertissement et notamment les studios d’animation en sont un très bon exemple: lors des premières projections-tests du film d’animation Shrek, les enfants étaient effrayés par la princesse Fiona. Son apparence trop réaliste a dû être estompée au profit d’un effet plus cartoon.
La prise en considération de cette vallée dérangeante par les studios d’animation a pour cause les mauvaises recettes en salle des films d’animation trop réalistes. Final Fantasy, Beowulf ou encore Le Pôle Express ont tous été des échecs commerciaux.

Une réaction naturelle de notre instinct ?

Pour le professeur MacDorman, directeur du programme d’interaction homme-machine à l’Indiana University School of Informatics, la vallée dérangeante serait une partie intégrante de notre instinct de conservation. En effet, ce trouble se produit lorsque des caractéristiques réalistes présentent sur un robot ou avatar nous amène à attendre que toutes ses autres caractéristiques le soient également. Notre inconfort proviendrait donc de nos attentes inconscientes non-satisfaites qui créeraient un signal de risque dans notre cerveau.

Pour pallier à cet inconfort, les robots ou avatars sont donc constamment réels ou caricaturaux pour ne pas être considérés comme effrayant. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle la plupart des personnages de films d’animation possèdent des attributs non-humains : une peau réaliste mais des yeux « cartoonesque », des visages humains aux proportions normales mais peu détaillés ou encore des visages très détaillés mais totalement disproportionnés. Avatar en est un très bon exemple. Les Na’vi ont été rendu très réalistes mais ne sont pas entrés dans la vallée dérangeante en raison de leur peau bleue et de leurs traits non-humains.

Quand les GAFA s’en mêlent

Ce sujet de la vallée dérangeante est désormais étudié par les géants du web qui se lancent à tour de bras dans la réalité virtuelle ou augmentée. À ce titre, Facebook a par exemple son Reality Research Lab dont l’objectif est de gommer la frontière entre le réel et virtuel. Celui-ci cherche à faire évoluer la façon dont nous interagissions avec les machines, les humains mais également l’information.
Des tests de ce Lab ont montré que les utilisateurs ont été bluffés par le réalisme des avatars en réalité virtuelle. Selon des participants, l’expérience vécue « ne devrait pas être possible ». Ces participants ont par exemple trouvé extrêmement invasif de se rapprocher de l’avatar pensant pouvoir le déranger. Plus encore, cet avatar étant une représentation d’un chercheur du Lab, les participants ont ressenti une forte familiarité en le rencontrant dans le monde réel pour la première fois.

Ethique et technologie

Jusqu’alors, le réalisme souvent perfectible des robots ou avatars n’ouvraient que peu le débat concernant leur impact sur notre comportement réel. Voyant des épiphénomènes se multiplier comme les deepfakes ou encore l’amour développé entre des avatars virtuels et des humains, la question de l’intégration de ces technologies ultra-réalistes dans notre quotidien peut faire débat.

Comment un robot ou avatar peut-il influencer notre comportement ou notre pensée ? Comment le cerveau d’un enfant se développe-t-il lorsqu’il n’arrive plus à discerner le réel de l’irréel ? Avec le temps, notre cerveau et instinct vont-t-ils s’adapter et continuer à faire la différence entre des avatars ultra réalistes et des humains ?

Autant de questions intégrant plus que jamais une approche pluridisciplinaire allant de l’éthique, aux sciences sociales en passant par la technique ou les neurosciences. La prospective ou le Design Fiction ne sont pas en reste. Ils permettent en effet, d’imaginer et de tangibiliser les impacts de ces technologies sur tous les aspects de nos vies. De l’éducation en passant par le divertissement ou les interactions professionnelles, chaque pan de notre vie peut-être impacté par l’ultra réalisme. Et si nous faisions des visioconférences avec de faux avatars virtuels ? Il y a quelques jours, une nouvelle application permettant de changer son corps ou visage pendant une visio-conférence est sortie en beta test.

Par Yacine Founaqa, consultant chez Square.

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