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La Tribune

– le 22 août 2022

Entre 8 000 et 13 000 milliards de dollars d’ici 2030, voilà quel pourrait être le marché adressable total du métavers selon les analyses de Citigroup. Si l’on considère que le métavers est un espace collectif virtuel et ouvert, créée par la convergence d’une réalité physique et numérique augmentée virtuellement, alors Gartner prévoit que 25 % des personnes y passeront au moins une heure par jour d’ici 2026.
Pour nombreuses entreprises la question est de savoir s’il est temps d’y aller et comment car les débuts de certaines sont difficiles à l’instar de Carrefour et de son premier évènement de recrutement dans un métavers. D’autres adoptent une posture prudentielle comme LVMH qui investit le métavers via une égérie virtuelle nommée Livi. Pour tous, l’enjeu est de concevoir proactivement le potentiel économique du métavers mais est-ce la voie raisonnable ?

Un large terrain pour expérimenter des stratégies d’innovation disruptive

A ce stade le métavers offre un terrain d’expérimentation nouveau pour les marques, mais à partir de quoi construire un raisonnement stratégique afin de l’investir ?

Toujours enseignée à Harvard Business School, la théorie de la disruption de Clayton Christensen est un outil remarquable pour apprécier le potentiel conceptuel et économique du métavers. A minima deux postures stratégiques peuvent être visées pour tirer profit du métavers.

La Low-end disruption consiste à bouleverser un marché existant en proposant à des consommateurs sur-servis une offre innovante qui est plus simple et moins chère que l’offre de référence. Airbnb débute ainsi en 2007. Dans le cas du métavers, des acteurs phares de l’immobilier pourraient certainement faire partie des premiers penseurs de Low-end disruptions afin de ne pas en être de potentielles victimes. En effet la convergence que permet le métavers pourrait grandement simplifier l’expérience d’achat immobilier comme celle de la gestion immobilière. Banquiers, agents immobiliers, notaires, constructeurs ne s’y préparent pourtant pas tous avec le même sérieux. Il y aura des perdants et gagnants si le métavers est adopté.

L’autre posture stratégique, New-Market Disruption, revient à ouvrir un marché en s’adressant à des non-consommateurs, une audience exclue faute de moyens et ou de compétences. Ayons en tête la rupture conceptuelle effectuée pour passer de l’ordinateur central à l’ordinateur personnel, remémorons-nous la sortie de l’iPhone et l’émergence de la catégorie smartphone ou scrutons l’emploi des plateformes no-code. Pour simplifier il s’agit de démocratiser des usages. De nombreuses New-Market disruptions sont en conception pour révolutionner des sports, des divertissements, la santé, la culture voire la pratique des religions. Avec le métavers, des barrières à l’entrée vont tomber et faciliter la possibilité d’ouvrir des musées personnels d’art digital, des églises mais aussi des lieux de rencontres à caractères phygitaux pour le meilleur et le pire… Enfin, plausiblement il y a des places pour des palliatifs aux usages d’aujourd’hui condamnés par les conséquences du changement climatique. Virtuellement les safaris pourraient par exemple perdurer et être démocratisés au sein de métavers, dès qu’une maturité en terme de propositions sensorielles serait atteinte. C’est une question de capacité de calcul, in extenso de temps. Sans nul doute un tourisme ludique via métavers, sur terre et au-delà, fait sens en terme économique.

De facto en multipliant et hybridant les stratégies d’innovation disruptive, les opportunités économique du métavers sont innombrables.

Le revers de la médaille du métavers : un enjeu n’en cache-t-il pas un autre ?

Les autruches ne sont pas encore en voie de disparition ; D’ailleurs plus que jamais elles inspirent nombreux êtres humains, au premier rang desquels figurent les investisseurs et concepteurs de métavers qui nient le vertigineux gaspillage énergétique qu’ils occasionnent déjà.

En 2006, Nicholas Carr, journaliste économiste américain finaliste du prix Pulitzer, a estimé que la consommation moyenne d’un avatar sur Second Life était de 1752kWh/an, soit l’équivalence de la consommation moyenne d’un brésilien. 16 ans plus tard, la numérisation de la société représente 4% de l’empreinte carbone anthropique mondiale.

Pour Raja Koduri, Executive vice president and general manger of Accelerated Computing Systems and Graphics chez Intel, les métavers demanderont une telle puissance que l’ensemble des nouveaux usages engendreraient près de 10% des émissions CO2 totales d’ici 20 ans.

Face à cette réalité souvent oubliée, les fantasmes purement économiques du métavers peuvent-ils encore exister en pleine crise environnementale, sociale et énergétique ?

Plutôt que d’être le vecteur de stratégies d’innovation centrées sur le profit, le métavers peut être penser comme un moyen pour expérimenter de stratégies d’innovation responsable. L’unique question à se poser qui parait alors légitime n’est-elle pas : le métavers est-il un outil pour répondre aux défis énergétiques et un système pour décarboner nos activités ?

Par Tony Da Motta Cerveira, Principal Square Management.

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