RiskAssur
– 5 juillet 2022
Un concept qui peine à se faire connaître des assurés
Face aux différents épisodes de gels de printemps, la couverture d’assurance récolte multirisque proposée aux arboriculteurs et viticulteurs n’est pas toujours adaptée. Au-delà d’une durée d’indemnisation longue, elle dépend d’un rendement de référence des années passées. Dès lors, une assurance gel déclenchant automatiquement un montant d’indemnisation dès l’atteinte, dans une parcelle, d’une certaine taille de grêlons, est plus appropriée pour couvrir les premières pertes financières, dans la mesure où elle injecte des premiers fonds.
Contrairement à l’assurance traditionnelle dommage qui couvre un bien, l’assurance paramétrique ou indicielle couvre un rendement ou un manque à gagner. C’est une assurance dont la couverture est déclenchée automatiquement et sans délai, dès lors qu’un paramètre défini contractuellement à l’avance, est atteint, qu’un dommage soit survenu, ou non ! L’indemnité forfaitaire définie préalablement selon un niveau d’intensité est automatiquement versée. Il est ainsi important que le paramètre soit défini précisément et de manière objective, en fonction de l’événement survenu accidentellement. C’est pourquoi cette assurance est particulièrement adaptée aux secteurs météo-sensibles, comme par exemple au gel, aux fortes chaleurs, ou à un niveau de pluie ou de neige. Très flexible, elle est propice aux professionnels, dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, de la construction ou des transports. Son champ d’application commence à s’étendre également aux particuliers, et peut dépendre par exemple d’un niveau de précipitation ou de la vitesse des vents pour la couverture d’une maison. Considérée comme une aide d’urgence, elle permet une première prise en charge des conséquences liées à des aléas climatiques.
Apparue à la fin du XXème siècle, l’assurance paramétrique s’est lentement développée, d’abord chez les réassureurs, en Afrique, avec des partenariats comme celui de la Banque mondiale et Swiss Re, pour aider une agriculture à se développer. Elle s’est ainsi montrée particulièrement intéressante en micro-assurance où l’évaluation des dommages pouvait être coûteuse par rapport au montant d’indemnisation. Mais c’est avec l’avènement du big data et de l’exploitation de la donnée, notamment la data science, que ce nouveau type d’assurance s’est développé. Sa modélisation combine à la fois l’expertise technique assurantielle et les nouvelles technologies. C’est ainsi que des assurtechs comme Descartes Underwriting en font leur cœur de métier, et que des assureurs tels que Axa ou Pacifica développent des produits innovants en élargissant la gamme à tous les segments de clientèle. L’extension des offres assurantielles mêlant le sur-mesure avec le 100% digital pourrait démocratiser ce type d’assurance propice à la couverture des aléas climatiques. Cependant, les assureurs rencontrent encore des difficultés en terme de définition et de modélisation du risque, mais aussi de gouvernance pour pouvoir développer ce nouveau type d’assurance.
Un développement en proie à des difficultés pour les assureurs
Face au risque d’indemniser à tort ou de ne pas couvrir un dommage constaté, il est à la fois important pour l’assureur, mais aussi pour l’assuré que le modèle soit fiable et les indicateurs et seuils de déclenchement définis précisément. Ces écarts peuvent être principalement dus à un manque de précision géographique, ou liés au produit pour identifier les bons indicateurs permettant de modéliser le risque à couvrir. C’est pourquoi, pour pallier à ce risque de base, la disponibilité, la nature et la qualité des données scientifiques nécessaires à déclencher l’indemnisation sont nécessaires, tout comme la modélisation actuarielle du risque se doit d’être extrêmement précise. Elles doivent être couplées avec la connaissance terrain du risque à couvrir. D’ailleurs, sous peine de sanction par la cour de cassation, une vigilance doit être apportée pour que le versement de l’indemnité payée soit défini pour ne pas être supérieur au préjudice subi par l’assuré (article L. 121–1 du code des assurances). Dans le cadre de l’assurance paramétrique, ce principe peut être compromis. En effet, l’indemnisation automatique, sans aucune déclaration de sinistre de l’assuré, expose l’assureur au risque d’enrichissement sans cause. Ainsi, le travail d’avant-vente pour élaborer un produit tenant compte de la sensibilité du client à un évènement, tout en quantifiant préalablement un niveau de dommage compte-tenu de ses contraintes, peut s’avérer complexe et coûteux.
Les assureurs sont également soumis à une autre difficulté. Une réglementation de plus en plus contraignante par les autorités prudentielles à la fois pour commercialiser ces nouveaux produits, mais également en terme de gouvernance des risques. Avec son développement, la politique de provisionnement devra évoluer afin d’intégrer les spécificités liées à l’assurance paramétrique. L’assurance paramétrique reste de ce fait encore considérée comme un secteur de « niche », même si son potentiel est certain.
L’assurance paramétrique est une assurance d’avenir ! Selon l’ONU, 9 catastrophes sur 10 sont liées au climat. Rapide, elle est une première source d’indemnisation pour pallier à des difficultés, et s’inscrit comme étant complémentaire à l’assurance traditionnelle. Faisant face à un nombre d’aléas climatiques en augmentation ces prochaines années aussi bien en terme d’intensité que de fréquence, l’assurance paramétrique s’annonce comme une solution prometteuse dans l’indemnisation des sinistres. Cette nouvelle gamme de produits devra cependant s’étendre aussi bien aux assurés professionnels qu’aux particuliers. Tout l’enjeu pour les assureurs de surmonter leurs difficultés. Pour cela, ils devront innover en intégrant la data science mais aussi en adaptant leur modélisation et leur modèle de gouvernance du risque. Mais cela ne pourra s’effectuer qu’avec une adaptation du cadre réglementaire et prudentiel.
Par Emeline Seval, Senior Manager Square.
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