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L’info durable

– le 14 mars 2023

Une tendance controversée

Depuis de nombreuses années, les scientifiques nous mettent en garde contre les dangers imminents de l’utilisation ininterrompue des énergies fossiles et sur les dommages irréversibles que cette consommation peut avoir sur la planète. À l’heure où les enjeux liés à la protection de l’environnement sont considérables et la lutte contre le changement climatique nécessite l’implication de chacun ; la question du greenwashing est grandissante et n’épargne personne, y compris le secteur financier. Ce sujet, déjà abordé à Glasgow en 2021, revient au centre des discussions lors de la COP27 qui s’est tenue en novembre dernier à Charm el-Cheikh, en Egypte : cette fois- ci la tolérance zéro est de rigueur à l’encontre de cette pratique.

Apparu pour la première fois dans les années 1980 aux Etats-Unis, le greenwashing (écoblanchiment ou verdissage en français) est une stratégie marketing trompeuse, qui consiste à orienter la communication et les actions marketing d’une société afin de mettre en avant le caractère vertueux de ses activités et de se donner une image écoresponsable pouvant être assez éloignée de la réalité. Certaines entreprises surfent donc sur la vague du développement durable en utilisant la prise de conscience écologique collective pour abuser de leurs parties prenantes et générer d’une certaine manière un profit.

Même si cette tendance est principalement attribuée à des secteurs comme la cosmétique, la grande distribution ou l’automobile ; le secteur financier est lui aussi un acteur clé et détient une place déterminante dans la transition vers une économie plus propre. Des banques aux assureurs en passant par les régulateurs : tous ont désormais un rôle clef à jouer dans cette prise de conscience collective en s’engageant vers une « économie décarbonée ».

De l’accord de Paris à la COP 27 : état des lieux

Et pour cause, le bilan est alarmant : d’après le bulletin de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations unies publié le 9 mai 2022, il y a « une chance sur deux que la température mondiale atteigne le seuil de 1,5 °C au cours des 5 prochaines années ». Face à ce scénario, l’Agence internationale de l’énergie appelait déjà en 2021 à ne plus investir dans de nouveaux projets gaziers et pétroliers. Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) publié en août 2021 avait, lui aussi, mis le feu aux poudres en statuant que la planète se réchaufferait d’1,5 degré dès 2030 — soit dix ans plus tôt que prévu — déclenchant ainsi une avalanche de communications et prises de position en faveur d’une économie verte de la part notamment du secteur financier. Début avril 2022, le secrétaire général de l’ONU soulignait d’ailleurs que « malgré les promesses croissantes d’action climatique, les émissions mondiales sont à un niveau record ».

Plus récemment, un rapport d’ONU Climat publié en octobre a souligné à nouveau le sentiment d’« insuffisance» pour les scientifiques vis-à-vis des mesures prises par les différents pays engagés dans l’accord de Paris pour lutter contre les émissions de carbone et ainsi protéger véritablement l’avenir de notre planète. La sortie des énergies fossiles est loin d’être obtenue bien qu’essentielle pour répondre à l’urgence climatique. Néanmoins et pour la première fois, la COP27 a reconnu en novembre dernier le droit à un environnement « propre, sain et durable » : un accord sur un nouveau fond « pertes et préjudices » a notamment abouti afin de dédommager les pays les plus vulnérables des pertes et dommages liés au changement climatique.

Ainsi, bien que l’on observe un engagement croissant vers une démarche environnementale, des contradictions avec les exigences de l’accord de Paris sont notables.

Pour les grandes banques mondiales, la frontière est mince entre assurer leurs rôles de financement de l’économie dans un contexte de croissance et réduire les financements dans les industries polluantes, car elles restent les principales sources de financement des industries carbonées. Selon une étude publiée en octobre 2022 par l’ONG Finance Watch : « Les 60 plus grandes banques mondiales seraient exposées à hauteur de 1 350 milliards de dollars à des actifs liés aux énergies fossiles qui risquent de perdre considérablement de leur valeur lors de la transition vers la neutralité carbone ». En parallèle, les travaux de recherche du Center for American Progress et de la Sierra Club dévoilent que les plus grandes institutions financières américaines participeraient à l’émission d’environ 1 968 milliard de tonnes de CO2. Ainsi, si le secteur financier américain était un pays, il serait le cinquième plus gros émetteur au monde, plus que le Brésil, l’Indonésie, et le Japon. Wall Street est donc première au classement en étant, à elle seule, une véritable bulle de carbone. Par ailleurs, l’assureur SWISS Re estime au travers d’une étude des répercussions du dérèglement climatique sur l’économie (élévation du niveau de la mer, baisse de la productivité agricole, stress thermique,…) une réduction du PIB annuel mondial d’environ 14 % d’ici 2050 ; soit une perte 4 fois plus importante que la crise financière de 2008. Le danger n’est par conséquent pas uniquement environnemental mais également financier et monétaire.

Des responsabilités communes qu’il est grand temps d’assumer

Résultat ? Du protocole de Kyoto aux déclarations de l’ONU en 2022, soit 25 années plus tard, le constat est le même : le principe de responsabilité commune mais différenciée reste un principe essentiel de la gouvernance internationale. Si les gouvernements sont les principaux garants de la définition de la politique climatique, tous les acteurs économiques doivent s’impliquer urgemment. La réforme du secteur financier pourrait en particulier contribuer à faire face à la crise climatique et à préserver la stabilité économique.

Les superviseurs ainsi que les banques centrales ont un rôle à jouer au titre de leur mandat en matière de stabilité financière en encourageant le développement de la finance verte par la recherche et l’investissement responsable. Les banques doivent, pour leur part, assurer l’accompagnement de leurs clients vers cette transition et soutenir les entreprises qui contribuent à décarboner l’économie préservant ainsi leur rentabilité dans un monde globalisé. Les entreprises doivent limiter la pollution par l’innovation en matière de processus industriels, et bien évidemment les particuliers doivent optimiser leurs consommations d’énergie.

Même si des solutions existent déjà pour permettre aux acteurs d’évaluer et d’améliorer leur bilan carbone, l’adoption de technologies de mesures claires, précises et fiables doit encore se généraliser. Le développement de ces solutions est crucial pour lutter contre le « greenwashing » et empêcher la pérennisation d’un modèle non-durable, responsable de dommages irrémédiables à notre écosystème. La conscience verte grandissante des parties prenantes doit être utilisée comme levier pour freiner ce phénomène. Plus ces dernières seront conscientes des risques liés à cette pratique trompeuse, plus elles seront attentives sur les engagements pris par les différents acteurs et les mesures mises en place pour les atteindre.

Dans cette démarche, l’exigence en termes de transparence et l’accompagnement des investisseurs sont obligatoires pour accélérer la transition vers une économie plus juste, solidaire et résiliente.

Environnement, transparence, durabilité, gouvernance sont donc les maîtres-mots : assisterons-nous à la mondialisation verte 2.0 ?

Par Ania Cervini, Consultante Senior et François Moreau, Consultant Senior Square Management.

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