LesEchos
– le 16 avril 2022
En pleine tension sur les prix énergétiques, les investisseurs maintiennent leurs exigences de rentabilité même s’ils se montrent de plus en plus responsables. En analysant l’exemple d’EDF, elle plaide pour un nouvel équilibre rentabilité-durabilité afin de satisfaire l’ensemble des parties prenantes.
En pleine tension sur les prix énergétiques, les engagements des candidats à la Présidentielle en matière de transition vers la durabilité détermineront en grande partie les résultats du scrutin. Quelque soit le vainqueur, la transition risque d’être sacrifiée pour se prémunir d’un éventuel conflit, social à l’image de celui des gilets jaunes. La probabilité est donc forte que l’Etat n’intervienne de nouveau dans la gouvernance d’EDF dont il est actionnaire à 84% et la contraigne à revendre à prix coûtant de l’électricité qui, en pleine tension sur les prix du gaz, s’échange sur le marché au prix fort (plus de 250€ au 6 avril).
Conséquence attendue : une chute du cours de Bourse d’EDF. C’est ce qui s’était passé à l’aube du conflit ukrainien en réaction à l’annonce de recapitalisation par l’Etat de 2,5 milliards d’euros obligeant EDF à revendre à 4 fois moins (46,2€ par MWh) que le prix de marché (170€ du MWh). L’action d’EDF s’effondre alors sur les marchés, de 4,8% à 7,95 euros, un plancher depuis septembre 2020. Sanction en réponse à une recapitalisation de mauvais augure pour les résultats financiers futurs.
Contraste criant avec la notation extra-financière (ESG) d’EDF qui est pleinement satisfaisante avec un score dans le haut du panier du secteur. 6 agences de notations ESG de référence évaluent positivement EDF avec Sustainalytics qui lui accorde une note de 86/100 (61/100 pour la moyenne du secteur), note maximale de A pour MSCI (BBB en moyenne), et S&P Global lui attribue 83/100 (38 pour la moyenne du secteur). Félicitations! Pourtant, les investisseurs ne semblent pas vraiment s’en réjouir et retenir avant tout le déséquilibre de gouvernance induit par la recapitalisation qu’ils sanctionnent alors sur les marchés.
Ce serait néanmoins un raisonnement trop rapide que de conclure au désintérêt total des investisseurs pour les résultats ESG. En pleine tension sur les prix énergétiques, exacerbée par le conflit ukrainien, les investisseurs se montrent au contraire de plus en plus responsables mais ils maintiennent tout de même leurs attentes d’une rentabilité satisfaisante. Tout se joue donc dans l’atteinte d’un équilibre rentabilité-durabilité qui aligne et satisfasse l’ensemble des parties prenantes.
Ce n’est pas l’engagement poussé d’EDF pour plus de durabilité qui a été sanctionné, mais l’anticipation d’une baisse de rentabilité induite par une gouvernance déséquilibrée. Une surperformance sur la durabilité ne suffirait donc pas à compenser une trop faible rentabilité. C’est un équilibre consensuel rentabilité — durabilité et l’intégration des résultats financiers et extra- financiers dans une même équation qui doit primer et rendre compte de la performance, et non exclusivement le cours de Bourse ou la notation ESG.
À ce jour, la plus grande faiblesse des méthodologies des agences ESG est de ne pas réussir à faire ce lien. Il faut parvenir à une notation de performance globale avec des indicateurs qui fassent dialoguer les résultats financiers et extra-financiers. Pour y arriver, il est nécessaire de partir d’un objectif de performance globale qui aligne les parties prenantes et équilibre la rentabilité et la durabilité, puis de consolider ces indicateurs et, enfin, de les faire dialoguer. Il est donc indispensable de dépasser l’approche dichotomique pour raisonner performance globale. C’est la bonne lecture à adopter.
Par Anna Souakri, Chercheure Square.
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