La récente adoption du règlement européen eIDAS 2.0 marque un nouveau tournant dans la mise en place d’une identité numérique européenne commune. Cette nouvelle mouture s’inscrit dans la continuité de la première version du règlement adoptée en 2014, ainsi que d’autres réglementations, telles que la DSP2 (directive sur la sécurisation des paiements), permettant d’accélérer et sécuriser les transactions digitales. Le nouveau règlement eIDAS 2.0 prévoit notamment la création de l’European Digital Identity Wallet (EUDIW) et envisage que d’ici 2027, plus de 80 % de la population européenne en serait équipée, permettant de justifier leur identité en ligne dans toute l’Europe. Quels seront les apports de cette nouvelle réglementation ainsi que les impacts sur le secteur bancaire ?

Le portefeuille digital EUDIW sera conçu pour stocker et conserver nos documents personnels, en grande partie ceux relatifs à l’identité de son utilisateur. On y retrouvera par exemple son passeport, carte nationale d’identité, permis de conduire, un visa pour voyager ou encore ses diplômes scolaires, le tout au format numérique. Ces informations seront accessibles et utilisables à n’importe quel moment dans tous les états membres de l’Union européenne. L’objectif de l’EUDIW en termes d’usage sera de permettre et de faciliter la vérification d’identité d’une personne dans divers contextes du quotidien : l’accès aux sites gouvernementaux, aux sites de prestations sociales et plus globalement sur tous sites internet nécessitant une authentification forte. L’EUDIW devra donc être le garant de la vérification d’identité d’un client ou prospect (KYC) lors d’un parcours en ligne. Ce wallet dans lequel sera enregistrée l’identité digitale européenne restera accessible en ligne et hors ligne. La consultation des données et leur présentation à un tiers resteront donc toujours possibles lorsque nécessaire. Ce projet va évidemment bouleverser le fonctionnement actuel de nombreux secteurs utilisant d’ores-et-déjà l’identité numérique et l’authentification forte, au premier rang desquels figure le secteur bancaire.

Pour les banques européennes, cet outil représentera à la fois une opportunité et un défi, notamment en matière de gestion de l’identité client (KYC) et de processus d’authentification (SCA). Aussi, en utilisant l’EUDIW comme moyen d’authentification forte, les banques pourront renforcer la sécurité des transactions effectuées en ligne par un client, réduisant ainsi les risques de fraudes, d’usurpation d’identité et de cybercriminalité grâce à une solution centralisée et sécurisée pour gérer les données d’identité des utilisateurs. Ce portefeuille numérique devra permettre de garantir l’identité véritable d’un utilisateur grâce aux documents stockés. L’EUDIW permettra également de simplifier les processus d’entrée en relation avec les prospects d’un organisme bancaire. En effet, les données d’identité numérisées demandées pourront être fournies rapidement et facilement par l’utilisateur, facilitant ainsi les démarches d’ouverture de compte et réduisant les délais de traitement côté banques. Ce processus permettra d’améliorer considérablement l’expérience client en ligne et sur les applications bancaires, puisque les clients pourront accéder plus facilement à leurs comptes, effectuer des transactions de manière plus fluide et sans passer par l’étape d’authentification à double facteurs. On pourrait même imaginer la fin de la signature électronique. L’EUDIW devrait donc permettre aux banques d’augmenter considérablement leurs taux de transformation lors du processus d’entrée en relation.

L’enjeux crucial de ce projet se traduit finalement par l’adoption massive du portefeuille électronique EUDIW par les citoyens européens. Pour les banques européennes, la sécurisation des données clients et l’interopérabilité des systèmes d’identité numérique en Europe devront être des préoccupations majeures en amont du déploiement du service. De plus, l’intégration de l’EUDIW dans les systèmes bancaires existants nécessitera des investissements en temps et en ressources considérables. Bien que les banques aient déjà mis en place, par le passé, des solutions de sécurité fortes telles que celles préconisées par la directive sur les paiements DSP2 et d’authentification comme le PVID dans les parcours en d’entrée en relation à distance, elles pourraient envisager d’adopter des solutions d’identité numérique plus avancées. Enfin, l’utilisation de l’EUDIW pour les paiements en ligne pourrait être freinée par les défis potentiels liés à l’infrastructure et surtout à la responsabilité en cas de fraude, notamment en ce qui concerne les transactions par carte bancaire.

Par Boris Boisen, Consultant Senior chez Square Management.