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Economie Matin

– le 07 avril 2022

L’assurance multirisque climatique est la seule couverture dont disposent les vignerons pour se protéger face aux aléas climatiques. En effet, l’indemnisation des calamités agricoles par le Fond National de Gestion des Risques en Agriculture (FNGRA) ne soutient pas les secteurs assurables auprès du secteur privé, dont la viticulture fait partie depuis désormais le début du 21e siècle.

Avec le réchauffement global, les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient. Plutôt épargnées jusqu’ici, les vignes françaises, idéalement situées autour du 45e parallèle — Eldorado des viticulteurs — font désormais face à des millésimes de plus en plus compliqués. Gel, canicule, grêle… ces événements aux consonnances cauchemardesques pour les vignerons sont aujourd’hui plus que de mauvais rêves : c’est bien éveillés qu’ils ont assisté, impuissants, aux gelées tardives du mois d’avril 2021 qui ont ravagé 30%* du vignoble français. Des ravages synonymes de pertes financières considérables pour lesquels moins de 30% des surfaces viticoles françaises sont assurées. Autrement dit, 525 000 hectares ne le sont pas du tout.

Quand on connait les enjeux économiques du marché viticole dont la France est le premier exportateur mondial, ce chiffre laisse perplexe. Pourquoi les vignerons ne s’assurent-ils pas contre les aléas climatiques ?

Une indemnisation jugée insuffisante

Prenons l’exemple d’un viticulteur de la région de la Loire souscrivant à un contrat d’assurance multirisque climatique de premier niveau « socle » (tarif de base hors options) pour sa production d’AOC Anjou Village issue d’un domaine de 10 ha, la taille moyenne dans cette région.

En cas de sinistre climatique et selon les modalités cadres de ce contrat, il ne sera couvert qu’à hauteur de 60%  pour ses pertes financières, et seulement dans le cas exceptionnel où au moins 30% de pertes seraient enregistrées.

Pour couvrir l’ensemble de son domaine selon ces critères, le prix à payer par le viticulteur après subventions d’Etat est de 930€ par récolte. Le prix n’est pas dissuasif, mais la garantie est maigre.

Avec l’ajout d’options, il peut revaloriser le montant des indemnités à 75% du prix de vente et abaisser le seuil de déclenchement à 25% de pertes. Un tel contrat lui serait proposé à un prix total de 2.200€.

Intéressant ou non ? Ce sont les viticulteurs qui ont le dernier mot, et la plupart préfère ne pas se couvrir, avec optimisme.

Dans cette configuration, le produit d’assurance multirisque climatique est victime d’un phénomène classique de sélection adverse : seule la clientèle la plus à risque est prête à se couvrir. En ne conservant que ce type de clients dans le système, on augmente la probabilité de sinistre et donc la prime d’assurance. C’est une spirale perpétuelle qui nuit à la viabilité du modèle.

Une gestion des sinistres compliquée

Justifier des pertes n’est pas une mince affaire, et pourtant, c’est bien l’atteinte de certains seuils qui permet le déclenchement des indemnisations. Ce processus est à la fois couteux pour les assureurs, et long pour les viticulteurs : les ressources mises à contribution sur chaque dossier sont nombreuses et les indemnisations n’arrivent qu’après 6 à 12 mois. Cette latence est particulièrement dissuasive dans le secteur viticole où l’élaboration du produit final peut prendre des années et où la liquidité est donc précieuse.

Les événements climatiques sont de plus en plus fréquents et le seul moyen dont disposent les viticulteurs pour se couvrir de tels aléas est aujourd’hui grandement rejeté pour ses faiblesses palpables.

Les assurances et gouvernements en ont bien conscience et s’animent sur le sujet. Ils travaillent notamment sur la simplification de la gestion des dossiers, un levier clé. En effet, faciliter les procédures qui suivent un sinistre permettrait de réduire à la fois le coût et les délais de traitement administratif. Par incidence, le prix des contrats associés serait plus abordable et, dans un cercle vertueux, l’augmentation du nombre d’assurés qui en résulterait pourrait atténuer le phénomène de sélection adverse.

Par Thomas Monteiro, Consultant Square.

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