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Les Echos

– le 29 juillet 2020

Après deux mois de confinement et un passage au travail à distance en marche forcée, les entreprises commencent à organiser le retour sur site progressif de leurs collaborateurs, faisant émerger par la même occasion de nouvelles problématiques : Comment capitaliser sur les enseignements de la crise ? En quoi cette période de travail à distance a‑t-elle fait évoluer les mentalités ? Faut-il remettre les anciens accords de télétravail en place ou les modifier ? Comment accompagner les collaborateurs et les former à ces nouvelles méthodes de travail ?

Tirer les enseignements du confinement

La période estivale est propice aux bilans. Les entreprises peuvent donc profiter de ce temps de respiration pour tirer des enseignements de la crise, avant de lancer de nouveaux plans d’actions en septembre.

La Société Générale, Facebook ou Square ont ainsi opté pour un sondage, mené auprès de l’ensemble de leurs collaborateurs. En une vingtaine de questions, ils vont analyser quel a été l’impact du travail à distance sur la qualité de vie au travail (dégradation ou amélioration des conditions de travail physiques et psychologiques), les difficultés rencontrées et les bonnes pratiques mises en œuvre, dont certaines pourraient être pérennisées.

Ce type de sondage permet également de détecter si les points de vue des collaborateurs de l’entreprise ont évolué concernant le télétravail. Or, les premières études montrent que les mentalités ont changé suite au confinement, les managers et les DRH étant plus enclins à augmenter le nombre de jours télétravaillés ainsi que les fonctions éligibles . De même, 80% des collaborateurs ayant expérimenté le travail à distance pendant le confinement souhaitent poursuivre l’expérience .
Concernant les modalités d’administration des sondages, les avis sont plus partagés. Certaines entreprises ont préféré mandater un prestataire externe afin de garantir l’anonymat des réponses et l’indépendance des préconisations. Celles qui avaient déjà réalisé des sondages Great place To Work ont refait appel à l’institut, qui a adapté ses questions au contexte ; d’autres ont préféré s‘entourer de cabinets spécialisés en transformation des entreprises. Enfin, quelques entreprises ont opté pour un sondage maison, centralisé par la Direction des Ressources Humaines, afin d’envoyer un signal fort aux collaborateurs concernant leur volonté de faire évoluer leurs pratiques.

Un cadre global et des déclinaisons locales

Jusqu’à présent, le télétravail était envisagé selon deux dimensions : l’entreprise, qui établissait des grands principes (nombre de jours maximum télétravaillés et fonctions éligibles notamment), et le collaborateur, qui s’organisait comme il le souhaitait à partir du moment où il respectait ces règles. La dynamique d’équipe était relativement peu prise en compte. Mais le confinement a mis en exergue l’impact négatif du télétravail sur les interactions sociales et la cohésion. C’est pourquoi ces éléments doivent être pris en compte dans les nouvelles politiques de télétravail, qui devront intégrer la dimension « équipe » en plus des dimensions traditionnelles que sont « l’entreprise » et « le collaborateur ».

Le rôle de l’entreprise consiste toujours à donner un cadre global, mais ce dernier doit être pensé de manière holistique. Il s’agira bien entendu de définir les règles applicables au télétravail, mais également de répondre à la question « De quoi avez-vous besoin pour télétravailler efficacement ? ». Les aspects techniques (fourniture d’ordinateur portable, fonctionnement des logiciels, macro et applicatifs…), l’environnement de travail (augmentation du nombre de petites salles de réunion disponibles sur site, équipées de visioconférence, pour faciliter les échanges avec les télétravailleurs) et le développement de nouvelles méthodes de travail et de management (évolution du rôle de manager, responsabilisation des collaborateurs…) devront ainsi être intégrés.

Une fois le cadre global défini, ce dernier peut être décliné localement, au niveau de l’équipe, puis du collaborateur. Pour ce faire, un travail de réflexion en trois étapes peut être mené.
La première étape consiste à identifier les tâches ou type de tâches effectués de manière plus efficace en situation de télétravail, et les tâches ou type de tâches effectués de manière plus efficace en situation de travail sur site.

Une fois cette distinction réalisée, chaque équipe peut confronter ses propres tâches à cette grille de lecture. Ce deuxième niveau d’analyse permettra de déterminer quelle est la proportion de tâches réalisables à distance et qui les opère. Sur cette base, les équipes pourront construire leur dispositif local de télétravail, tout en veillant à maintenir une dynamique d’équipe (tout le monde sur site le même jour, des journées de team building…).

Une fois ces éléments connus, la troisième étape consiste à décliner individuellement le plan de télétravail, en continuant à prendre en compte les contraintes et besoins individuels, comme ce fut le cas pendant le confinement.

Former au télétravail

Le travail à distance opéré à grande échelle pendant le confinement a mis en évidence des besoins de formation, tant pour les collaborateurs que pour les managers. Cette formation peut être déclinée en deux niveaux : un niveau « débutant », à opérer si possible avant que le télétravail soit mis en place, et un niveau « avancé », permettant de perfectionner les pratiques et gagner en performance.
Le niveau « débutant » doit donner des clés concernant le travail à distance et prévenir le sentiment d’isolement. Pour les collaborateurs, il consistera notamment à apprendre à s’organiser (rythmer la journée, consacrer des plages horaires à chaque type de tâche, ménager des pauses…), utiliser les outils de télétravail (visioconférence, chats…) et adopter le « langage » approprié (couper son micro, attendre son tour pour prendre la parole…). Un module pour apprendre à communiquer sur ses travaux et donner de la visibilité sur son avancement peut également venir compléter la formation des collaborateurs.

L’initiation au télétravail des managers devra comporter des modules sur la définition des règles de fonctionnement d’une équipe en télétravail (quelles règles établir ? quel outil mettre en place pour quel besoin ?) et les méthodes d’animation de réunion à distance (préparation, annonce de l’ordre du jour, identification d’un animateur, répartition du temps de parole de chacun…).

Une fois ces compétences acquises, managers et collaborateurs peuvent se lancer dans le télétravail, enclenchant par la même occasion un cercle vertueux : d’un côté, ils vont mettre en pratique les connaissances théoriques acquises, et de l’autre, le télétravail va leur permettre de développer de nouvelles compétences, notamment en matière d’autonomie et de responsabilisation.

Le niveau de formation « avancé » va alors venir compléter ces apprentissages de terrain. Pour les collaborateurs, il s’agira d’apprendre à animer des réunions à distance et à prioriser les tâches, afin que le manager puisse progressivement leur laisser la main et que l’équipe s’organise de manière autonome. Pour le manager, la formation sera orientée sur la confiance et la responsabilisation des collaborateurs. Ainsi, le télétravail deviendra un levier fort de la transformation de l’entreprise et du développement de nouvelles méthodes de travail et de management.

Mathilde Dégremont, Senior manager chez Square.

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