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Les Echos

– le 08 décembre 2021

Si aujourd’hui le débat est toujours d’actualité au sein de la Commission Européenne autour de la classification ‘durable’ de l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne, c’est parce que les enjeux vont au-delà du plan environnemental.
La France a un intérêt stratégique sur le sujet. Cependant, tous les pays européens ne voient pas cette solution énergétique du même œil. La communauté scientifique est elle-même divisée sur l’aspect durable de cette pratique, notamment sur son rôle sur la transition énergétique nécessaire à venir. 

Pourquoi cette énergie fait autant débat au niveau de l’Europe ?

Dans les années 1950, l’enthousiasme pour le développement industriel de l’énergie du nucléaire est à ses prémices. En Europe, c’est le Royaume Uni qui a la première centrale nucléaire civile en 1956, suivi par la France en 1963 avec la centrale de Chinon. Leur nombre continue ensuite de croitre jusqu’à atteindre 126 en Europe aujourd’hui, dont 56 en France.

Les mouvements écologistes ont toujours été contre le nucléaire, mais cela ne semblait pas avoir d’impact sur la société. Cependant, le 26 avril 1986, le réacteur de Tchernobyl a explosé. La société a alors commencé à prendre du recul sur la production de cette énergie et ses dangers potentiels. Ce n’est néanmoins qu’après l’accident de Fukushima en 2011, qui provoqua 18 000 morts, que les gouvernements commencèrent à se retirer du nucléaire. C’est d’abord l’Allemagne qui annonça l’arrêt immédiat de 7 de ses centrales, ainsi qu’une sortie progressive du nucléaire d’ici 2022. L’Allemagne est alors suivie par l’Espagne, la Belgique, et la Suède sur cette sortie définitive, tandis que d’autres pays mettent fin aux projets en construction. 

Parmi les 27 pays membres de l’Union Européenne, 10 pays plaident aujourd’hui en faveur du nucléaire. Dans la déclaration commune signée par ses 10 pays à l’Union Européenne, ils rappellent le rôle important que peut jouer l’énergie nucléaire contre le changement climatique et le réchauffement de la planète. Un argument également mis en valeur est celui de la souveraineté nécessaire sur les sources de production d’énergie et d’électricité. Cela permettrait, selon les pays en faveur du nucléaire, de protéger les consommateurs européens de la volatilité des prix. Cette volatilité qui a vu les prix de l’énergie bondir de 57% depuis le début d’année sur les prix réglementés en France, hausse qui devrait continuer de se poursuivre en 2022. Le prix n’est d’ailleurs pas le seul à augmenter, la demande d’électricité va également poursuivre sa hausse dans notre société qui se décarbonise (passage aux véhicules électriques, au chauffage électrique, etc.)

Que le nucléaire soit reconnu ou non comme utile à la transition énergétique par la Commission Européenne, Emmanuel Macron a annoncé qu’un milliard d’euros seraient investis, d’ici 2030, dans la construction de « réacteurs nucléaires de petite taille, innovants, et avec une meilleure gestion des déchets ». Son ministre de l’économie, Bruno Le Maire, souligne que nous aurons besoin de nouveaux réacteurs nucléaires pour réussir à atteindre la neutralité carbone dans les années qui viennent. 

Le nucléaire, une production d’énergie verte ? 

Si l’on compare les rejets en CO² du nucléaire, la réponse semble évidente. Par KWh, le CO² rejeté en amont et pendant la combustion est, selon l’ADEME de :
— 1058g pour le charbon ;
— 418g pour le gaz ;
— 6g pour le nucléaire ;

Le nucléaire est une énergie décarbonée. Il est difficile de s’en passer pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Ce qui peut donc sembler comme une incohérence écologique de l’Allemagne quand elle ferme son parc nucléaire mais ouvre en parallèle une centrale à charbon en 2020 (l’Allemagne a annoncé sortir du charbon définitivement d’ici 2038).

Certes, la gestion des déchets nucléaires est encore aujourd’hui un point d’attention qui nécessite une attention particulière. Cependant l’urgence climatique impose de prendre des décisions pour sortir des énergies fossiles.
Si le nucléaire n’est pas complètement vert, il est néanmoins l’option la moins dramatique pour notre planète le temps que le développement des énergies renouvelables soit assez conséquent pour répondre à la demande en électricité européenne. C’est ce qu’affirme David Marchal , Directeur exécutif adjoint expertises et programmes chez ADEME. 

Les enjeux du choix de la Commission Européenne

Si la Commission Européenne a mis de côté le sujet du nucléaire (et du gaz) dans la première série de modalités d’application de la Taxonomie en avril dernier, il y a de fortes chances que la question soit tranchée en décembre.
Cette décision ne va pas être facile. Les ‘pro-nucléaires’ prônent la souveraineté énergétique ainsi que les faibles émissions en carbone pour produire de l’énergie. Les anti-nucléaires, eux, mettent en garde contre la dangerosité de cette pratique et les émissions carbones indirectes (notamment le transport des déchets). 

Les enjeux sont considérables. Si le nucléaire est considéré comme une énergie de « transition » ou une énergie « verte », les entreprises menant des projets sur le nucléaire se verront attribuer des subventions, et une augmentation de flux des investisseurs voulant des portefeuilles labellisés sur leurs investissements dans la transition énergétique ou sur leurs investissements ‘verts’.
Ces fonds durables représentent en France en juin 2020, plus de 315 milliards d’euros selon Novethic. Un montant colossal, démontrant l’intérêt des investisseurs institutionnels pour la finance durable, poussé par la demande croissante des particuliers voulant lier l’épargne avec leurs valeurs. 

https://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?renouvelable.htm

https://www.capital.fr/economie-politique/le-nucleaire-est-il-vraiment-une-energie-verte-1344112

Par Thibault LE Boudec, consultant chez Square.

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