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Silicon

– le 11 mai 2023

Les technophiles, les technophobes et autres analystes comprennent-ils le potentiel de la technologie régénérative ? Sous-médiatisé ce type de technologie est pourtant l’une des voies prometteuses et pragmatiques pour l’avènement, indispensable, de l’économie circulaire.

L’ère du phygital, qui s’étend désormais bien au-delà du retail, nous offre des produits physiques couplés à des expériences digitales. La contrepartie est toujours plus de flux : d’offres produites, de gaspillages, de déchets, de pollution.

Pour l’ADEME et à l’échelle de la France (1), 62,5 millions de tonnes de ressources (MIPS4 ) sont utilisées par an pour produire et utiliser les équipements numériques. A l’échelle du citoyen, la masse de matériaux déplacée durant la phase de fabrication est égale à 932 kg / habitant.
La production de déchets est égale à 299 kg / habitant sur l’ensemble du cycle de vie des équipements (de leur fabrication à leur fin de vie).

Pour traiter cet effet, les services de réparation explosent. Pour autant, la réparation est encore une pratique peu ancrée dans les habitudes des Français. Pour un produit tombé en panne toutes catégories confondues, seuls 36 % des Français le réparent contre 54 % qui le remplacent (2). Le volume de déchets à traiter est encore croissant et il est largement supérieur à la capacité de traitement.

Toujours selon l’ADEME, c’est 1,4 milliard d’équipements électriques et électroniques mis sur le marché en 2021 soit + 11 % par rapport à 2020. Le taux de collecte de ces équipements est lui de 49,8 %. Les bénéfices de ces services de réparations sont tout autant indiscutables qu’insuffisants.

Face à la crise environnementale, l’urgence est donc de réinventer les offres phygitales pour qu’elles façonnent une économie circulaire.

Le phygital est prisonnier de l’économie linéaire, faute de dogme et d’habitudes

Deux notions clés sont associer à l’économie circulaire, la restauration et la régénération. L’enjeu de la restauration est de revenir à un état précédent ou à un état originel. La régénération vise le renouvellement des capacités d’un système. Il est question de concevoir des systèmes qui se régénèrent.

C’est l’un des riches enseignements du professeur Piero Morseletto (2020) publié dans le Journal of Industrial Ecology édité par Yale University (3). Si la notion de restauration est académiquement mieux définie que la notion de régénération, en revanche la régénération est mieux admise des entreprises et des consommateurs.

Pour viser la régénération du phygital trois évolutions concomitantes doivent advenir : la réinvention de l’offre et des acteurs économiques, la mutation de la demande et du comportement des consommateurs, enfin le perfectionnement de la gestion des déchets. Dans le cas du phygital, s’il existe bien une demande grossissante et des premières réponses en matière de gestion des déchets, les offres n’évoluent pas.

Réinventer son offre pour qu’elle tende à l’économie circulaire est complexe. Cela oblige à construire un approvisionnement durable, éco-concevoir, investir dans l’écologie industrielle et territoriale et enfin s’inscrire dans l’économie de la fonctionnalité. Deux freins s’opposent à la refonte de l’offre : les règles de conception habituelles et un dogme.

La plupart des pionniers de l’économie circulaire ont associé la régénération au Low-Tech. Pour eux l’urgence était de briser la course à la High-Tech et donc la technologie ne pourrait plus, ou ne devrait plus, être structurante. De facto, un biais de raisonnement s’est installé et il limite souvent, dès l’origine, l’activité de conception innovante.

La technologie est un vecteur pour structurer des modèles circulaires

En mai 2019, le réseau ReGenFriends a publié un rapport sur la consommation (4) dont le principal résultat d’enquête montre que les marques « régénératrices » commencent à être préférées aux marques dites « durables ».

Depuis, des managers précurseurs chez Airbus, BPCE, La Poste, La Société Générale, administrent l’Institut du Numérique Responsable, autour du motto « Pour un numérique plus régénérateur, inclusif & éthique ».

Dans la pratique, loin du mythe Low-Tech des pionniers de l’économie circulaire, ce sont les entreprises qui mobilisent des techniques avancées qui inventent des systèmes régénératifs.

Le ReGen® Drive est une innovation du fabriquant OTIS qui diminue la consommation d’énergie des ascenseurs jusqu’à 75 % et restitue cette énergie propre au réseau électrique de l’immeuble. Présentée comme une technologie régénérative (5), Le ReGen® Drive est un système d’entraînement de l’ascenseur qui devient une nouvelle source d’énergie pour les immeubles.

Lors de sa propre utilisation il utilise jusqu’à 40 % d’énergie en moins qu’un équipement aux caractéristiques équivalentes. Techniquement, ce système d’entrainement régénératif est loin du Low-Tech. S’il est démontré que la technologie régénérative est un ressort pour l’économie circulaire, elle reste trop rare en grande entreprise.

La technologie régénérative, cœur battant des startups vertueuses

Fairphone, fondée en 2013, revendique plus de 100 000 utilisateurs qui adoptent un modèle d’économie circulaire. La modularité de ce smartphone innovant permet une régénération de son électronique. Grâce au site de cette startup hollandaise, ses clients achètent puis installent des modules de rechange.

Deglace, startup française early-stage, va encore plus loin et propose une évolutivité d’usage et technique afin que le petit électroménager puisse suivre la vie des utilisateurs. Alliant expérience digitale et hardware made in France, Deglace a comme ambition de proposer des boucles de régénération. Par sa technologie régénérative, le petit électroménager devient évolutif, personnalisable, réparable, recyclage et intelligent pour viser la complète circularité.

Lorsqu’elle est mise au cœur du développement des startups et des entreprises établies, la technologie régénérative est un levier de différenciation soutenable avéré. La technologie régénérative devient un axe d’exploration sérieux et cohérent face au « paquet économie circulaire » de la Commission européenne.

Transformer les processus de développement des offres est une priorité tel que le Parlement européen le souligne, puisque l’incidence environnementale des produits est déterminée jusqu’à 80 % lors de leur conception (6).

Sources

(1) ADEME, Numérique responsable : et si nous adoptions les bons réflexes ?
Dossier de presse, janvier 2022.

(2) https://www.ecologie.gouv.fr/vers-plus-reparation-des-objets-du-quotidien-ministere-transition-ecologique-lance-campagne

(3) Morseletto P. Restorative and regenerative: Exploring the concepts in the circular economy. J Ind Ecol. 2020;1–11

(4) The Emerging Regenerative Customer

(5) https://www.otis.com/fr/fr/products-services/products/bedlift

(6) PROJET DE RAPPORT sur le nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire (2020/2077(INI)) / Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire / Rapporteur: Jan Huitema

Par Tony Da Motta Cerveira, Principal Square Management.

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