Le Courrier Financier
Si actuellement c’est la montée des taux d’intérêt qui ébranle le marché immobilier, le changement climatique apparaît comme une véritable épée de Damoclès pesant dès à présent sur les propriétaires actuels et futurs acquéreurs…
Le risque climatique, un mal peu connu…
Ces risques sont de plus en plus appréciés et appréhendés par la plupart des agents économiques, notamment via une impulsion réglementaire plus exigeante sur ces questions et une prise de conscience collective impulsée par la matérialisation de ces risques ces derniers mois. Néanmoins, et lorsqu’il s’agit des choix d’investissements des particuliers, le risque climatique est encore mal intégré dans le processus de décision.
Pourtant, mettre à disposition des informations relatives aux risques induits par le changement climatique devient indispensable pour des investissements réalisés sur le long terme. Selon une étude réalisée par Callendar, 15 000 transactions, réalisées entre le 1er Juillet 2016 et le 30 Juin 2020, concernent des biens immobiliers qui seront situés en zone inondable à horizon 2050, c’est-à-dire d’ici moins de trente ans.
Mieux informer les futurs propriétaires
Aujourd’hui, le prix des biens immobiliers reflète encore peu l’intensification des risques climatiques à venir. Certains travaux de recherche commencent à s’intéresser à cette question et notent un impact négatif à court terme sur le prix des logements, avec un effet rebond. La valeur totale de ces biens représente (toujours selon l’étude de Callendar) entre 4,7 et 6,7 milliards d’euros. Or, l’acquisition d’un logement passe généralement par la réalisation d’un crédit immobilier, octroyé par les institutions financières.
Comme la durée moyenne des crédits en France est de 20 ans, cette durée s’approche dangereusement de l’horizon 2050 et des scénarios catastrophes sur les communes du littoral français publiés par Climate Central. A noter que, si cet horizon 2050 est fixé, le risque d’inondation du littoral ne se matérialisera pas brusquement à termes : il augmentera graduellement jusqu’au niveau présenté par Climate Central en ayant des conséquences dramatiques bien avant cet horizon.
Les DPE : un autre levier ?
Alors que l’ERP renseigne le risque physique supporté par un bien immobilier, le DPE fournit une information sur le risque de transition. Jusqu’à présent, ce risque était surtout évoqué pour parler des possibles pertes économiques et financières que les entreprises pourraient subir du fait de la transformation de l’économie vers la durabilité. La Loi Climat et Résilience, en introduisant des mesures adossées au DPE, marque un tournant décisif sur ce plan pour les ménages et en particulier les investisseurs locatifs.
La première de ces mesures, effective depuis août 2022, a été d’interdire l’augmentation des loyers des passoires énergétiques ; puis, à partir du 1er Janvier 2023, d’interdire la présence sur le marché locatif des logements consommant plus de 450 kWh d’énergie finale par m² et par an. Près de 191 000 logements seraient concernés, dont 37 % de ces habitations sont des locations privées ou sociales ou des logements utilisés à titre gratuit.
La sortie de ces biens du marché locatif entraîne une perte financière sèche (absence de loyer) pour leur propriétaire, et une dévalorisation de ces mêmes biens. Bien que la mise en place de ces directives soit récente, une décote est déjà constatée sur les biens qualifiés de passoire énergétique. C’est la fameuse “valeur verte” calculée par l’association de notaires DINAMIC12.
Crédit immobilier : une révolution en marche ?
Ces dernières années sont en effet marquées, pour les établissements de crédit, par un vrai objectif de prise en compte de ces risques climatiques dans les conditions d’octroi de crédit et la gestion du risque de contrepartie. Cette dynamique est impulsée par les régulateurs qui demandent à ce que ces risques, qui impactent leurs clients, soient mesurés, évalués, et suivis. A cet effet, la revue thématique et les stress tests impulsés par la BCE courant 2022 ont conduit le régulateur à formuler un plan de remédiation accompagné d’un calendrier strict et d’un guide de bonne pratique visant à uniformiser et aligner les pratiques des banques d’ici 2024.
Parmi les bonnes pratiques attendues, deux points essentiels pourraient avoir un impact sur la gestion du risque de crédit : la décarbonation du portefeuille client des banques et l’intégration du risque climatique dans les modèles de notation interne. Dans le premier cas, cela pourrait se traduire par l’arrêt des financements des bâtiments dont les classes GES sont les moins bonnes. Dans le deuxième cas, le risque climatique pourra être pleinement intégré dans les modèles d’évaluation internes et dans le processus d’octroi de crédit.
D’autres impacts sont attendus du côté des institutions financières comme un adossement des garanties à ces risques climatiques — qui peuvent sur des horizons long termes entacher la valeur de celles-ci, on parle alors d’actif échoué ou de stranded asset. Enfin, et face à l’augmentation des aléas climatiques, le montant de la prime d’assurance pour les biens les plus exposés tend progressivement à augmenter… et met sur la table la question de l’assurabilité de ces logements.
Quelques mots pour conclure…
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