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Le Courrier Financier

– le 8 juillet 2022

L’investissement socialement responsable est en plein essor. Seulement, certaines accusations de greenwashing émergent. Qu’en est-il ? Quel est le cadre légal des fonds ISR ?
Au lendemain des élections françaises où l’un des sujets principaux reposait sur l’écologie, le « jour du dépassement » de la France a été atteint ce 5 mai 2022. La population française a donc consommé autant de ressources naturelles que la planète ne n’en renouvelle en une année, par personne. Le constat reste le même : il est urgent d’agir et de transformer cette prise de conscience collective en actions claires et mesurables.

Ces actions passent majoritairement par l’investissement du secteur financier et l’épargnant a également un rôle important à jouer dans cette transition écologique. En effet, dès cet été, et notamment dans le cadre de la réglementation MiFID II (Directive sur les marchés d’instruments financiers), les banques et les sociétés de conseil en placement financiers devront interroger leurs clients afin de déterminer quels sont leur profil d’investisseur et leurs préférences en termes d’investissement durable.

Néanmoins, la promesse de durabilité et la réalité de l’impact de ces produits sur les entreprises et la société dans son ensemble sont parfois bien divergentes. Se pose alors la question de savoir si les produits proposés misent réellement sur l’économie bas carbone, la biodiversité ou d’autres thèmes environnementaux.

Les critères ESG au centre de l’attention

Selon Morningstar, au premier trimestre 2021 les collectes de fonds ESG ont atteint 120 milliards d’euros (soit une hausse de 18 % par rapport au trimestre précédent), dépassant ainsi les collectes des fonds traditionnels. Les enjeux actuels qui se posent en termes de finance verte réside donc en grande partie dans les fonds indiciels qui se disent ESG et qui sont pour la plupart labellisés.

Ils ont certes été élaborés sur la base de sociétés engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais lorsque les données sont examinées dans le détail, on constate que l’impératif de rendement financier prime sur l’impératif de transition environnementale.

Le parfait exemple en France est le label ISR (ou Investissement Socialement Responsable) qui vise à allier impact environnemental et social et performance économique en finançant les entreprises qui contribuent au développement durable dans tous les secteurs d’activité. Ce label est centré sur un processus d’analyse ESG sans avoir de réelles obligations de résultats sur ces thématiques.

Il ne donne donc aucune garantie que certaines activités soient exclues lors de la sélection des entreprises et ainsi la contribution à des investissements vertueux. A l’inverse, le label Greenfin a été créé afin de garantir la qualité verte des fonds d’investissement et a pour particularité d’être plus contraignant, notamment par l’exclusion des fonds qui investissent dans des entreprises opérant dans le secteur nucléaire et les énergies fossiles.

Des allégations de greenwashing

Cependant, la multiplicité des labels européens provoque un manque de pratiques normalisées en matière de publication d’informations et limite alors la comparabilité. Cette diversité devient source de confusion pour les investisseurs et fait obstacle à la prise en compte de facteurs ESG dans les décisions d’investissement.

Ainsi, les gestionnaires d’actifs sont eux-mêmes les principaux concernés et subissent notamment de nombreuses critiques. DWS, BlackRock ou Amundi sont les créateurs des produits financiers grand public qui arborent ces labels dits « ESG » mais aussi les investisseurs des actions qui y sont mis en portefeuille.

DWS a d’ailleurs récemment attiré l’attention à la suite des allégations de greenwashing d’une ancienne employée conduisant à l’ouverture d’une enquête fédérale afin de déterminer si le deuxième gestionnaire d’actifs européen avait surestimé ses encours « durables ».

Les principales problématiques reposent donc sur un manque de cadre réglementaire strict, la nécessité d’une standardisation des critères ESG et des labels mais aussi un besoin de transparence. Il est nécessaire de définir clairement ce qu’est un produit durable tout en prenant en considération les attentes des différents acteurs des marchés. La précision, la fiabilité et la comparabilité des indicateurs sont indispensables pour assurer la compréhension de la stratégie de ces produits et la crédibiliser.

Une multitude de mesures et directives

La Commission européenne avec l’Union des Marchés de Capitaux a souhaité jouer un rôle important dans la réponse à ce défi et ainsi pallier l’insuffisance des labels ISR, notamment par la publication en mars 2018 d’un plan d’action basé sur plusieurs règlements et directives.

La réglementation SFDR ou « Sustainable Finance Disclosure Regulation » de mars 2021 en est le fer de lance et exige que les gestionnaires de fonds évaluent et divulguent les caractéristiques ESG de leurs produits financiers par le biais de déclarations périodiques. Ce règlement a pour objectif d’uniformiser et de renforcer les obligations de transparence des acteurs financiers afin de faciliter le choix d’investissements des épargnants.

Concernant les ESG, il existe désormais des fonds « vert clair » au titre de l’article 8, définis comme ceux qui promeuvent activement les caractéristiques environnementales ou sociales, et des fonds « vert foncé » au titre de l’article 9, dont l’objectif principal est l’investissement durable. Ces deux groupes sont par conséquent soumis à des normes de divulgation plus élevées en vertu de la réglementation SFDR.

Le règlement européen « Benchmark » introduit des indices de référence lié à des objectifs en matière de réduction des émissions de CO2, et de transition énergétique ; tandis que le Green Bond Standard vise à uniformiser les normes au sein de l’UE et à faire des obligations vertes un levier clé pour le financement de la transition.

Le cadre européen de transparence

En France, l’AMF a également annoncé sa volonté de renforcer sa supervision par le biais de contrôles « spots » en termes d’engagements des sociétés de gestion sur leurs investissements dits durables et la mise en application du cadre européen de transparence.

De plus, l’AMF s’est engagé le 5 janvier dernier à accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de la taxonomie européenne et de contribuer au développement de normes de reporting de durabilité. L’objectif est clair : assurer une cohérence entre engagements contractuels, investissements réalisés et contrôles associés.

Cependant, d’autres sujets relancent la polémique, notamment les nouvelles règles publiées en février 2022 par la Commission européenne intégrant désormais le gaz et le nucléaire à la taxonomie européenne et classant ces derniers au rang des investissements durables pouvant contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique.

Le greenwashing revient au cœur des débats et les décisions sont toujours loin de faire l’unanimité au sein des instances européennes. Quant aux scientifiques et aux ONG, ils crient « au plus grand exercice de greenwashing de tous les temps ».

Par Ania Cervini et François Moreau, Consultante Senior et Consultant Confirmé Square.

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